Portraits

François Roux ou la passion de la défense

C’est à Solpérières, un lieu magique entre Méjean et Vallée française, que François Roux vient de « poser ses valises » avec sa femme Evelyne, après des années à parcourir le monde pour faire valoir les droits de la Défense. Le choix peut surprendre. Ce n’est pourtant pas un repli. Ils retrouvent dans leurs montagnes cévenoles des amis qu’ils n’ont jamais quittés et les projets pour remplir leur vie nouvelle ne manquent pas. Ils en ont plein les yeux et plein le coeur. Evelyne qui était autrefois bergère sur le Larzac veut créer un éco-jardin, cultiver des herbes, des fruits, des plantes oubliées, accueillir du monde, vendre sa production délicate et faire ainsi la démonstration qu’il n’est pas utopique de développer dans ces montagnes austères un projet agricole original, alternatif et économiquement viable. Elle est par ailleurs complètement associée et impliquée dans les préoccupations de François qui lui, ne lâche rien de sa passion pour la justice et pour les Droits de l’Homme. Ils viennent de créer un événement totalement improbable pour un si petit  hameau de Lozère. Le 20 octobre dernier, ils ont inauguré un parcours Stéphane Hessel pour les Droits de l’Homme. Ils ont réhabilité un chemin de chèvres que les enfants de Solpérières prenaient autrefois pour se rendre à l’école de Vébron et ils en ont fait un sentier des Droits de l’Homme. Six panneaux de bois jalonnent le sentier. Chacun d’entre eux rappelle l’un des six articles majeurs de la déclaration des Droits de l’Homme. Des amis nombreux sont venus à Solpérières pour inaugurer le parcours Stéphane Hessel et entourer Christiane Hessel, son épouse. Edgar Morin, malgré ses 98 ans, n’avait pas craint de faire le déplacement. Il y retrouvait José Bové venu du Larzac voisin et Leïla Shadid, ambassadrice de Palestine. Le maire de Vébron dont dépend Solpérières, était très heureux de pouvoir accueillir sur sa commune un événement pareil.

L’homme au centre du procès

Avant d’arriver à Solpérières en juillet dernier, François Roux était pendant 8 années le chef de la Défense au Tribunal spécial des Nations Unis pour le Liban. Un poste à très haute responsabilité dans une institution complètement obnubilée par la lutte contre l’impunité et du coup pas du tout encline à laisser sa place à la Défense. Une des raisons de la création de la justice internationale, c’est la lutte contre l’impunité. Les juges sont totalement imprégnés par ce mandat. Ils se sont glissés dans cette idée qu’il fallait, à n’importe quel prix, qu’ils luttent contre l’impunité.

« Je n’ai cessé de rappeler aux juges à La Haye, dit François Roux, qu’un procès, ce n’est pas la lutte contre l’impunité. Le seul dans le procès qui est là pour lutter contre l’impunité, c’est le procureur. Le procès, c’est le lieu où vous allez entendre le procureur, vous allez entendre la Défense et après, vous rendrez la justice. Et si vous rendez la justice convenablement, alors vous aurez participé à la lutte contre l’impunité« .

Ce fut, pendant 8 années, un combat d’autant plus rude que la culture dominante dans la justice internationale est la culture judiciaire américaine. Le principe premier dans la justice américaine ce n’est pas d’entendre ou de reconnaître le justiciable, c’est de se battre autour des faits, dans un débat de type « poker-menteur », afin de prouver, tant du côté du procureur que de celui de l’avocat de la Défense, que ce que l’on dit est effectivement établi par une preuve. Dans ce système-là, ce n’est pas la manifestation de la vérité qui compte, c’est ce qui se dit pour autant que ce soit étayé par une preuve. Dans ce système-là, ce n’est pas l’homme justiciable qui compte, c’est l’argument ou la démonstration qui vont permettre de l’emporter. « Je me suis battu, dit François Roux, pour que dans les procès internationaux, l’homme soit ramené au centre« . En fait, c’est le combat de toute une vie. François, c’est une voix, une voix puissante, une voix au service d’une justice qui place l’homme au centre des choses. Il a défendu les objecteurs, les paysans du Larzac, les kanaks, les victimes des essais nucléaires en Polynésie, il a défendu d’affreux indéfendables, des génocidaires du Rwanda ou du Cambodge comme Duch, le chef Khmer. Dans tous ces procès, il n’avait qu’une seule préoccupation : faire droit à la vérité d’un homme quelqu’il soit, comprendre sa complexité, avant de le juger et de le condamner !

Un Dieu gracieux !

En quittant le Tribunal des Nations Unies, la prestigieuse Église wallonne de La Haye qui longtemps a accueilli la famille royale des Pays-Bas, perd avec François Roux son président. Par contre, dans la petite paroisse de Vébron, on se réjouit de la venue de François et d’Evelyne dans le pays. Avec François, arrive un prédicateur qui de temps en temps pourra au culte du dimanche apporter le témoignage de sa foi en l’homme : un homme toujours entendu, toujours replacé au centre des choses avant que d’être jugé, condamné, parfois acquitté mais toujours gracié. C’est ainsi que François Roux croit au Dieu d’Abraham et de Jésus : un Dieu gracieux !

Alain Rey

À propos de l'auteur

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Alain Rey

Directeur de la publication Hier & Aujourd'hui
Pasteur de l'EPUdF
Études à Montpellier, Berkeley et Genève
Pasteur à Fleury-Mérogis, Mende, au Defap et à la Cevaa

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