Portraits

Autoportrait par Serge Soulié

Rien ne prédestinait Serge à embrasser une carrière de pasteur. Son père avait un projet pour son fils : « Tu passeras ton certificat d’étude, puis tu seras facteur. C’est une bonne place. Tu seras toujours payé à la fin du mois ». Il avait 13 ans lorsque son père mourut. Le pasteur, qui avait accompagné le père pendant sa maladie, sut rassurer la mère. Ainsi, elle accepta que Serge continue sa scolarité. Reçu au baccalauréat il s’inscrivit en médecine. Mais depuis la mort de son père, il restait travaillé par les questions existentielles, c’est alors que conseillé par son pasteur, il s’inscrivit aussi en théologie. Par intuition, il avait compris que le médecin s’était occupé de la maladie de son père, et que le pasteur s’était occupé de son père lui-même. Pourquoi donc ne pas lier les deux approches ? Il comprit cependant rapidement qu’il ne pourrait mener les deux formations. 

Servir Dieu ? Servir les humains ?

Après deux ans de théologie, Serge ne trouvait toujours pas de réponses à ses interrogations profondes. Il s’inscrivit alors en psychologie. Durant deux années, il mena les deux cursus. Les études de théologie terminées, il s’engagea avec deux autres collègues dans un projet d’équipe. Seuls deux postes étaient pris en charge par l’institution. Titulaire d’une licence de lettres, il fut pris comme professeur de collège, tout en participant aux activités des deux églises locales.  Très vite, il eut à cœur de mettre en place un centre social culturel protestant qui fut appelé la Maison du Rêve. Ce furent des années intenses. Après douze années, quitter la maison du rêve était difficile. Que choisir ? Pasteur lui faisait peur. Il disait ne pas se reconnaître dans les dogmes ou dans les traditions de l’église. Il se voulait au service des humains. C’était pour lui la seule façon de servir Dieu. L’église négligeait l’humain et la psychologie ne prenait pas au sérieux le spirituel. Il se voulait pourtant au carrefour de ces deux pensées, et des formes d’action qu’elles impliquent.Pour ce qui est de Dieu, il le concevait comme une force, une énergie qui alimente toute chose, et non comme une volonté à solliciter et agissant selon son bon plaisir. Inutile pour lui d’être une machine à prière. Il ne supportait pas le mot évangélisation qu’il trouvait si proche de prosélytisme. Évangéliser, disait-il, c’est rendre possible l’éveil de l’autre afin qu’il retrouve une liberté heureuse et constructive. Ce n’est pas le convaincre d’une doctrine à adopter.

Un modèle d’église pour aujourd’hui

Il opta donc pour une paroisse qui, à travers la diversité des activités mises en place, ressemblait à la Maison du Rêve. C’était un modèle d’église locale sans religiosité, sans négliger pour autant le spirituel.  Après douze années passées dans cette église locale, il a souhaité ne pas reprendre un poste pastoral. Il fut nommé directeur d’un centre de soins de suite et de réadaptation pour malades alcooliques où il animait de nombreux groupes de parole. Il mettait en scène des contes, des récits souvent tirés de la Bible, telle la parabole du fils prodigue. Il disait ne pas voir de différence entre son travail de directeur et de pasteur, dans la mesure où dans les deux cas, le but était de rendre la liberté à ceux qui l’avaient perdue, ou jamais rencontrée. 

Mourir comme un « soldat de la Vie »

À la retraite il chercha à mettre par écrit ce qu’était pour lui cette conception de Dieu qu’il portait en lui depuis son enfance. Est-ce par ailleurs cet esprit d’ouverture qui, à la suite d’un cancer récalcitrant, a convaincu Serge Soulié d’opter pour la méditation créatrice, telle que définie par le docteur Joe Dispenza. Ce type de méditation, sans rien renier de la foi va au-delà de la prière classique tout en s’appuyant sur de nouvelles données scientifiques. Elle rend le malade acteur de sa vie au moment où celle-ci paraît s’éteindre. Elle montre qu’il n’y a pas de maladie incurable. Certes, la mort est bien présente mais elle ne peut pas être cultivée à coup de dogmes et doctrines.Serge se plaisait à dire que, le moment venu il mourrait comme un soldat de la Vie, pour les autres et pour lui, sans grade, avec comme seule distinction celle de « soldat de première classe », donnée lors de son service militaire par le régiment du 22e RIMA d’Albi. Mais encore faut-il, répétait-il, ne pas se tromper de guerre ! La sienne avait été la lutte contre les addictions et ceux qui en tirent profit, contre les mésententes familiales, contre les marginalisations en tout genre. Il œuvrait pour que les enfants des cités puissent partir en vacances et accéder à la culture pour tous. Son but n’était pas d’aider les autres mais de leur permettre de s’aider eux-mêmes. Pour lui, il ne pouvait y avoir de vie spirituelle sans ces combats dont la finalité était de conduire à l’éveil de la personne, afin qu’elle puisse créer sa vie.

Serge Soulié

À propos de l'auteur

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Alain Rey

Directeur de la publication Hier & Aujourd'hui
Pasteur de l'EPUdF
Études à Montpellier, Berkeley et Genève
Pasteur à Fleury-Mérogis, Mende, au Defap et à la Cevaa

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