Cinéma Culture

LETO De Kirill Serebrennikov – décembre 2018

LETO sortie décembre 2018

De Kirill Serebrennikov, avec Roman Bilyk, Irina Starshenbaum, Teo Yoo plus, Genres Drame, Biopic, Nationalités Russe, Français

Une résistance pacifique et en musique … 

LETO est un film franco-russe de Kirill Serebrennikov présenté à Cannes l’année dernière en absence du réalisateur arrêté pendant le tournage et assigné à résidence à Moscou depuis. C’est dire que le sujet du film reste d’actualité !

LETO se passe en effet à Leningrad un été (« Leto » en russe) du début des années 80. En amont de la Perestroïka, avant 85 donc, les disques de Lou Reed et de David Bowie s’échangent en contrebande, et une scène rock émerge en semi clandestinité.

Mike et sa femme, la belle Natacha, rencontrent le jeune Viktor Tsoï. Une histoire d’amour ambiguë – à trois – nait de cette rencontre à la manière de « Jules et Jim ». Le film raconte l’histoire vraie de la naissance d’une nouvelle génération de musiciens qui va changer le cours du rock’n’roll en Union Soviétique. Ceux-ci restent toujours des légendes en Russie aujourd’hui. Ils ont en effet redonné de l’oxygène à nombre de jeunes plombés par tant d’interdits dictés par la bureaucratie de leur pays.

Tourné en noir et blanc, ce film est d’abord une ode à l’amour mais aussi au Rock’n’roll et aux abus qui l’accompagnaient. La passion pour cette musique y a l’attrait d’un jeu clandestin. Allergiques au rock s’abstenir il est omniprésent dans la bande son du film.

A première vue, LETO semble complètement différent de son précédent film « LE DISCIPLE», puisqu’il y évoquait le mécanisme de l’intégrisme religieux dans une société qui, à force de mettre hors la loi toute quête  spirituelle, crée l’espace à toute forme d’extrémisme. Pourtant, ici la démarche est très proche : témoigner d’une jeunesse qui s’ébroue et résiste sans s’imposer de limites. Elle « communie » en un culte du Rock et ses prophètes sont jugés subversifs et dangereux pour l’ordre établi.

Le film est très critique : un narrateur sarcastique surgit parfois au cœur du récit, tel un personnage de comédie musicale, pour imaginer une autre version possible de la scène précédente, plus romantique, plus libre, plus ouverte – « Mais, rajoute-t-il chaque fois : « cela n’a jamais existé ».

Pour moi, une grâce émane de ce film. Il fallait que le film soit tourné et monté dans le même esprit que ce qu’il veut montrer – et il le réussit parfaitement. LETO est un moment magique comme il en existe quelques fois dans le cinéma. C’est l’évocation d’une époque qui a forgé un esprit et que toute une génération a  un peu volée à des adultes trop sérieux et trop sûrs d’eux… jusqu’à ce qu’ils le deviennent à leur tour peut-être aujourd’hui ?…

Joël Baumann

 

 

 

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