Un film choc ! Une histoire vraie ! Merci à François Ozon Par Denyse Muller

Interpellé par les témoignages bouleversants trouvés sur le site de l’association “la parole libérée” François Ozon s’intéresse aux victimes de prêtres pédophiles, victimes qui osent enfin s’exprimer, 20, 30 ans après les faits.

Il suit l’histoire d’Alexandre, catholique pratiquant, père de cinq enfants qui découvre en 2014 que le prêtre Bernard Preynat, qui a abusé de lui lorsqu’il était enfant, est toujours en responsabilité de jeunes à Lyon. Alexandre alerte le Cardinal Barbarin, trouve d’autres adultes ayant subi ces traumatismes : François, Emmanuel, … Avec des cheminements différents ils se retrouvent pour créer le site “la parole libérée” et porter plainte contre le prêtre et les responsables d’Eglises dont le cardinal Barbarin, qui tous savaient, mais n’ont rien dit.

François Ozon utilise des sources documentaires incontestables : la déposition de Bernard Preynat, les déclarations du Cardinal Barbarin, les échanges de mails divers… Le film mêle subtilement ces sources, la quête de vérité des trois amis et les bribes de souvenirs de leur enfance meurtrie. François Ozon ne juge pas, n’accuse pas. Avec pudeur il se place résolument du côté des victimes qui ont caché pendant 20, 30 ans leur souffrance, leur honte, leur mal-être, des victimes à qui il faut beaucoup de courage pour révéler ce passé enfoui mais toujours présent et douloureux, pour accepter de passer du silence à la parole… Les victimes restent des victimes mais grâce à leur parole libérée, écoutée, entendue, la honte a changé de camp.

Ce film a un très bon scénario, de très bons acteurs crédibles, émouvants dans leurs hésitations, leurs doutes, leurs engagements… C’est une histoire arrivée en France mais aussi dans tant d’autres pays et continents. Après tant d’années de silence la vérité explose et fait de cette histoire un film fort, courageux, engagé, honnête, utile, nécessaire, universel… Il pose la question du silence : peut-on justifier le silence lorsqu’il y a des victimes ? Un procès doit s’ouvrir début mars et apportera peut-être des réponses. Plusieurs remarques s’imposent :

1. Le titre Grâce à Dieu peut être compris comme l’affirmation reconnaissante d’un croyant telle une confession de foi mais aussi comme le rappel des propos choquants du cardinal Barbarin qui a dit : « grâce à Dieu tous les faits sont prescrits »… Il a ensuite reconnu une phrase maladroite et s’en est excusé.
2. Le film a reçu des critiques positives de la plupart des journalistes de tous bords. Les avocats de Bernard Preynat et de la secrétaire ont saisi la justice pour empêcher la sortie du film mais la justice ne les a pas suivis. « Grâce à Dieu » est sorti le 20 février en France et sera distribué dans des dizaines de pays.
3. Le film est plus que jamais d’actualité puisque le pape François vient, et c’est une première, de défroquer un cardinal émérite américain de 88 ans accusé d’abus sexuels et il a convoqué pour 4 jours à Rome une centaine d’évêques du monde entier pour parler des scandales d’abus sexuels et de pédophilie.
4. Le 7 mars un jugement devrait être rendu envers le cardinal Barbarin pour ses silences et non-dénonciations à la justice des faits qu’il connaissait. Le procès de Bernard Preynat n’a pas encore été fixé.

Le film nous interpelle par ailleurs sur notre humanité, notre responsabilité vis-à-vis des enfants et sur notre propre foi. Il nous pose la question restée sans réponse que le fils d’Alexandre pose à son père : « crois-tu encore en Dieu ? »

Présenté au Festival de Berlin ce film a reçu “l’ours d’argent”, grand prix du Jury international. En recevant ce prix François Ozon a conclu par ces simples mots “merci à Dieu”.

Pasteur Denyse Muller

Denyse Muller est présidente d’INTERFILM France et vice-présidente d’INTERFILM International. INTERFILM est l’organisation internationale protestante pour le film. INTERFILM connecte cinéma, cultures et religions.