Georges Casalis est une des grandes et belles figures du protestantisme français à Berlin. Il y a séjourné de 1946 à 1950.
Casalis était un proche de l’Église confessante. Il en partageait les options théologiques et politiques. Il s’était lui-même engagé dans la résistance et avait participé, en 1941, avec les thèses dites de Pomeyrol, à un mouvement analogue à celui du Synode de Barmen. Il était également très proche de Barth dont il avait suivi les cours, à Bâle, en 1937-38 et dont on sait qu’en 1934, il avait joué un rôle essentiel dans la rédaction des articles de la Confession de Barmen. Si bien que lorsque l’Aumônier général des Forces armées en Allemagne, le pasteur Marcel Sturm, demande à la Fédération Protestante de France, en 1945, quelqu’un pour le seconder qui soit un bon théologien et qui connaisse l’histoire de l’Église confessante, il était l’homme de la situation, « the right man for the right place ».
C’est à n’en pas douter ce qu’a dû lui dire Marc Bœgner, président de la Fédération Protestante, lorsqu’il l’a contacté alors qu’il était pasteur à Moncoutant, dans le Poitou. Pour Georges Casalis, ce n’était pas évident de quitter Moncoutant. Avec Dorothée, son épouse, ils avaient trouvé dans cette paroisse rurale un contexte de soutien à leur engagement dans des actions de résistance. Il prend alors le temps de la réflexion. Il consulte. Il contacte Barth à Bâle. Il interroge son beau-père, le professeur Thurneysen, grand ami de Barth. Il s’entretient avec Pierre Maury. C’est à l’issue de ces consultations qu’il accepte de partir en Allemagne pour travailler avec Sturm. En septembre 1945, il arrive à Baden-Baden. Il circulera alors dans une Allemagne occupée et fera la douloureuse expérience, après avoir connu pendant les années de guerre le poids de l’occupation, d’être à son tour dans le rôle d’un occupant. Il ne supportera pas cette situation et demandera rapidement de pouvoir retourner à Moncoutant à moins d’être nommé à Berlin.
Berlin est un poste stratégique qui comprend des dimensions pastorale, théologique, militaire, diplomatique. Dans un contexte d’après-guerre et de reconstruction, Berlin offre des opportunités infinies de rencontre et de travail, avec ceux de l’Église confessante qui sont revenus des camps, avec les responsables de l’Église allemande qui avaient pactisé avec le nazisme, avec les jeunes dont les esprits avaient été embrumés par l’idéologie du mal, avec les responsables de tous les secteurs de la vie politique, ecclésiastique ou culturelle. C’est à Berlin qu’il faut être pour vivre un ministère de reconstruction tel que peut le porter Georges Casalis et c’est donc à Berlin qu’il arrivera, avec sa famille, en mars 1946.
L’année suivante, c’est un événement non programmé qui viendra apporter à son ministère berlinois une couleur totalement inattendue. Les sentences du procès de Nüremberg sont en effet tombées le 1er octobre 1946. Vingt et un nazis y étaient jugés. Trois sont acquittés, Onze sont condamnés à mort. Sept écopent d’une peine de prison. Dans la nuit du 15 au 16 octobre, les onze seront pendus. Restent à Nüremberg les sept condamnés à la prison. Ils sont confiés aux alliés qui les transfèreront de Nüremberg à Berlin-Spandau le 18 juillet 1947. Dans les semaines qui suivirent l’arrivée des sept à Berlin, il a fallu que les alliés règlent la question de l’aumônerie. Yves Gounelle nous raconte dans ce Bulletin comment la responsabilité de cette aumônerie est revenue aux Français. Il fallait ensuite nommer un aumônier. Le choix de Georges Casalis s’est alors imposé comme une évidence.
Georges Casalis est resté à Berlin jusqu’en Juin 1950. Entre l’aumônerie de Spandau, les liens tissés avec les Églises, le relèvement de la jeunesse allemande après la dictature, le travail avec les familles françaises de Berlin, il a connu un ministère qui marquera la suite de ses engagements comme pasteur et comme théologien. Jusqu’à sa mort, à Managua en 1987, il restera habité par un impératif de paix, de reconstruction et de libération des liens qui emprisonnent. Ce qui est certain, c’est que dans cette grande église française de Berlin, son empreinte est toujours présente. Aujourd’hui encore, la salle dans laquelle les cultes francophones se tiennent tous les dimanches, répond au beau nom de « Salle Casalis ».
Alain Rey
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