Jean Domon : Les chemins de l’inattendu

Jean Domon, Les chemins de l’inattendu, Éditions de la Campagnette, 2021, 15 €

Jean Domon nous livre avec ces « Chemins de l’inattendu » le récit émouvant de tout ce qui a compté dans sa vie. C’est un récit qui commence avec l’Algérie. Pour Jean, l’Algérie reste une empreinte indélébile. C’est l’histoire d’un attachement passionné, l’attachement à une terre, à une histoire marquée par des couleurs, des saveurs, des rencontres, mais aussi des drames. La montagne de Chréa restera à jamais la montagne de l’horreur où trois de ses copains d’enfance trouvèrent la mort, déchiquetés par l’explosion d’une bombe à ailettes qu’ils avaient malencontreusement ramassée sur un champ de tir. Il est profondément marqué par l’histoire de son enfance-adolescence algérienne, par les rencontres, les mouvements de jeunesse, par les pasteurs d’Algérie.

C’est une histoire qui aurait pu le conduire vers un parcours de saltimbanque tant il était rempli de rêves de théâtre. Jean Rouvet, qui fut collaborateur de Jean Vilar au TNP, écrit à son sujet à la suite d’un stage d’art dramatique : « Gars assez étrange. Léger et un peu fou en apparence. Une grande sensibilité et richesse intérieure ». Jean aurait pu devenir un théâtreux total et absolu, il deviendra pasteur : « Être pasteur nécessite d’être un peu comédien », écrit-il.

Les « méandres de la vocation » le conduisent successivement à Clermont-l’Hérault, à la Gerbe à Montpellier, au Lazaret à Sète, avant de rencontrer ce que Jean lui-même appelle le « Carrefour des médias ». « Je ne me sentais aucune aptitude ou compétence pour ce métier si spécialisé » écrit Jean. C’est Jacques Maury qui, pourtant, arrive à le convaincre : « On n’a pas besoin d’un technicien mais d’un animateur ». C’est ainsi qu’à la suite de Marcel Gosselin, il deviendra Producteur de télévision chargé d’incarner sur une grande chaîne de télévision la présence des protestants en France. Les rencontres avec les penseurs et les acteurs du protestantisme, avec les responsables de la vie publique ou avec les gens du métier de la communication, seront nombreuses, passionnantes et pour certaines inoubliables.

Jacques Maury avait sans aucun doute vu juste. La caméra de Jean était agie par l’œil d’un créateur. Les reportages hors de France furent alors nombreux : Côte d’Ivoire, Bénin, Togo, Cameroun, Madagascar. Pour ceux qui ont connu les Églises d’Afrique, le récit est émouvant. On y retrouve des figures connues, appréciées. Le récit sur la Nouvelle-Calédonie est particulièrement saisissant. Avec sa caméra et son équipe de tournage, il interviewait Djubelli Wea 4 semaines avant la tragédie de Wadrilla où Djubelli assassinait Jean-Marie Tjibaou et Yeweiné Yeweiné. Jean a été marqué en profondeur par cette rencontre avec Djubelli au point d’en porter pendant des années une forme de culpabilité, celle de ne pas avoir pu ou pas su prévenir la tragédie. Plusieurs années après, lors d’une rencontre à Montpellier avec Marie-Claude Tjibaou et Wea Yeweiné, Jean était finalement relevé de ce poids : « La sérénité de ces femmes, le témoignage poignant de leur volonté de rapprochement après le drame, m’ont arraché à mon silence… Elles ne pouvaient pas réaliser de quel poids elles me délivraient en effaçant mon remords ».

Avec la retraite, vient un point d’orgue. Jean revient alors avec passion à ses amours jamais éteintes pour le théâtre. Il reprend l’œuvre d’un certain Berreby racontant la vie du rabbin Jonas. Il se produit sur les scènes de 133 villes de Suisse et de France et rassemble 15 000 spectateurs. Ainsi se concluent ces chemins de l’inattendu dont on comprend tout au long de la lecture qu’ils sont les chemins vibrants d’un grand passionné de la vie !

Alain Rey