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Pastorale du 20 mars 2018, à Paris : « Søren Kierkegaard, un penseur protestant » par Flemming Kleinert-Jensen

Le 11 juin 2018, Kierkegaard entrera officiellement dans la Bibliothèque de la Pléiade. Sa biographie et son œuvre sont indissociables. Né à Copenhague en 1813, il meurt en 1855 à l’âge de 42 ans. A part quatre séjours à Berlin, il est resté toute sa vie dans sa ville natale. Deux personnes l’ont profondément marqué : son père et sa fiancée. Son père était d’extraction paysanne et avait fait fortune à Copenhague comme bonnetier. Veuf, il épousa sa servante qui lui donna sept enfants, dont Søren était le dernier. Fait d’un mélange d’austérité, de mélancolie et de grande fantaisie, ce père développa la capacité de réflexion déjà grande de son fils, tout en lui transmettant une image du Christ victime du mépris, de l’outrage et de la persécution de ses contemporains. Kierkegaard se fiança en 1840 avec Régine Olsen, de neuf ans sa cadette. Il rompit les fiançailles au bout d’un an. Pour des raisons religieuses et humaines, il n’osa pas associer cette jeune fille à sa vie, mais elle resta sans cesse présente dans sa pensée, et une partie de son œuvre est nettement inspirée par cet échec. Son œuvre Elle comprend deux blocs : les livres publiés de son vivant et son Journal. Les trois cinquièmes de son œuvre publiée sont construits autour de thèmes philosophiques, théologiques et littéraires (Ou bien–Ou bien, Crainte et tremblement, Miettes philosophiques, Les Œuvres de l’amour, L’Ecole du christianisme). Le plus souvent écrite sous pseudonyme, le reste de son œuvre publiée comprend des Discours, appelés édifiants ou tout simplement chrétiens, toujours écrite en son nom propre (autonyme). Quant à son Journal, il est composé de réflexions spontanées, plus ou moins longues, sur des sujets très variés, par exemple la gestation des livres à venir, ses lectures, son rapport à Régine, à son père ou à d’autres personnes de l’époque, dont l’évêque Mynster, le Primat de l’Eglise luthérienne, qu’il vénérait et critiquait à la fois. La foi et l’amour L’œuvre de Kierkegaard est tellement vaste qu’il est impossible de la résumer sans la trahir. Néanmoins, pour mieux la saisir, on peut dire qu’elle est construite autour de l’axe foi et amour. Cela est déjà visible dans la distinction des trois stades : esthétique, éthique et religieux, chaque stade représentant une possibilité d’existence.Amour : dans la première partie de Ou bien – Ou bien, Don Juan et le personnage principal du « Journal du séducteur » sont des modèles d’une existence esthétique sans engagement ni continuité, ni fidélité. C’est l’amour déguisé sous des masques qui le déforment. Dans la deuxième partie, un jeune magistrat épistolier est choisi comme exemple du choix éthique. Il fait l’éloge du mariage qui représente des valeurs diamétralement opposées à celles qui caractérisent la sphère esthétique. Il présente aussi de longs développements sur la nécessité du choix pour « devenir soi », pour devenir sujet. Car, en opposition à Hegel pour lequel il est plus important de penser l’homme que de le traiter comme un « existant », l’homme ne peut être expliqué à l’aide d’un système philosophique ou spéculatif. Dans les Œuvres de l’amour, Kierkegaard analyse la différence entre l’amour naturel/humain et l’amour chrétien. Le premier est l’amour préférentiel, la prédilection, tel qu’il est vécu dans l’amour-passion ou dans l’amour-amitié. Dans le second, la préférence n’existe pas. Son objet est le prochain et le prochain est n’importe qui, sans faire acception de personne. Foi : Par le choix éthique, on n’arrive pas au « saut de la foi ». Il n’y a pas de passage direct entre ces deux stades. Au cœur de la foi se trouve l’Incarnation comme paradoxe absolu, comme scandale qui attire et repousse à la fois. La passion de la foi est centrée tant sur la passion du Christ que sur la double passion du chrétien : celui-ci est censé impliquer toute son existence, toute sa subjectivité, dans l’acte de foi et, ensuite, en tirer toutes les conséquences pour sa vie, y compris la possibilité de souffrir pour le nom du Christ. Il faut être prêt, chacun à son niveau, à suivre le Christ jusqu’au bout dans la renonciation de soi. La critique de l’Eglise-Institution À la fin de sa vie, Kierkegaard attaque l’Église institutionnelle de façon virulente, en accusant les pasteurs de ne pas reconnaître que ce qu’ils prêchent n’est pas vraiment le christianisme du Nouveau Testament. À eux d’avouer que leur message lénifiant de l’amour de Dieu occulte l’exigence de Dieu. Kierkegaard n’était ni missionnaire, ni moraliste. Il s’adressait à « l’Individu », catégorie fondamentale chez celui qui détestait « la foule ». Son but déclaré était de rendre attentif au donné chrétien. Pour ce faire, il usait de la communication indirecte : que chacun se rende compte soi-même qu’il vit dans l’illusion d’être chrétien, que son idée de la chrétienté est une chimère, qu’on n’est pas chrétien dans la chrétienté comme on est Hollandais en Hollande… Un penseur-écrivain Kierkegaard n’était ni pasteur, ni théologien, ni philosophe. Sauf en quelques rares occasions, il n’a jamais prêché dans une église, comme il n’a jamais donné des cours de théologie ou de philosophie à l’Université, ni des conférences en ville. Aussi serait-il plus précis de l’appeler un « penseur et écrivain » qui mettait toute sa force de réflexion et tous ses dons littéraires au service du christianisme, afin d’éveiller ceux et celles qui prenaient la foi pour une évidence ou qui se drapaient dans leur indifférence. Comme il écrivait dans son Journal en pensant à lui-même : « Les génies ressemblent à l’orage : ils vont contre le vent, épouvantent les hommes, nettoient l’air ».

11Notes prises par Madame Fleinert-Jensen

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Flemming Fleinert-Jensen

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