Femme de pasteur, mère de quatre enfants, artiste céramiste… : l’itinéraire serein d’une méridionale venue du pays de l’olivier vivre sur les lointaines rives du Rhin. Au bas de la sonnette de son immeuble au cœur de Strasbourg, cette mention pour le moins poétique : Pot aux roses. Appuyez et vous accédez tout droit, au fond du couloir de la cave, à l’atelier de céramique de Laure, un authentique havre d’artiste. Derrière l’imposant four de potier, un alignement de tabliers, ceux de ses élèves. Car, une fois par semaine et cela depuis toujours, Laure communique son art à un petit groupe d’élèves : avant tout des amis et des connaissances. Laure Hoeffel, octogénaire discrète, regard bienveillant, est la fille d’un professeur de droit pénal de l’Université de Montpellier, protestant engagé, résistant, militant du christianisme social. Dès les bancs de l’école, elle se passionne pour le dessin. Après son bac, elle fait les Beaux-arts avant de monter à Paris. Au centre d’art manuel de Claireau à St-Rémy-lès-Chevreuse, c’est le déclic. Le sculpteur d’origine grecque Philolaos, son modèle, l’initie à la création d’œuvres d’art sculptées à partir de la terre : elle en fera son métier. « Quand mes mains façonnent la terre, je suis moi-même » avoue la céramiste. La poterie et la sculpture ne la quitteront plus, depuis son premier atelier dans la maison parentale de Montpellier – où elle crée ses premières expositions – jusqu’au Pot aux roses. Ici, il y a quelques mois encore, Michel, son mari passé sur l’autre rive l’an passé, venait prendre le thé avec ses élèves, lui confiant après coup : « Là en bas, tu es la patronne…! » Celui qui n’a eu de cesse de prôner : « il faut fêter la vie tant qu’elle est là ! », elle l’a rencontré à Rodez, en 1958, dans un camp d’évangélisation du pasteur Roger Parmentier, de retour d’Algérie. Michel Hoeffel descend d’une vieille famille de paysans luthériens de l’Ackerland alsacien, de pasteurs et d’hommes politiques – Robert, un père sénateur, Daniel, un frère ministre. Un mari qui, avec son épouse, va se jeter à corps perdu dans les activités pastorales au village de Lembach où, en 1960, le dialecte est roi avec des cultes en allemand. Laure se console avec Frédéric, Mireille, Jean et Dorothée, ses enfants arrivés en six ans. Suivent, en 1967, la paroisse de Munster, petite cité au pied des Vosges et son presbytère du Birken appelé le Vatican. Laure y crée, avec d’autres, le Club artisanal : son tour et son four tournent à plein régime, les expos s’enchaînent. En 1977, cap sur Strasbourg où Michel boucle son itinéraire ecclésial en assurant le secrétariat général puis la présidence de l’Église luthérienne d’Alsace et de Lorraine, chargé de multiples responsabilités ecclésiales nationales et internationales. Passer des cultures de l’olivier au baeckeofe a été tout sauf une sinécure. « J’ai été arrachée à la ville pour vivre à la campagne, confie Laure. J’ai quitté le ciel bleu pour des horizons brumeux, j’ai été sans arrêt confrontée à l’alsacien, au défi : ou ça passe ou ça casse. Côté protestant, en ces années 1960, je découvre de fiers pasteurs alsaciens, notables en leur village aux côtés du maire, du médecin, de l’instituteur. Dans mon Midi, les pasteurs vivaient presque en pauvres, en hommes instruits, pleins de bonté, imprégnés de la mémoire des Camisards, mais guère considérés en société… » Au moment de quitter le Pot aux roses, Laure sort un bout de papier : les paroles partagées par Michel avec leurs 4 enfants et 8 petits enfants à la fête des 70 ans de son épouse. On peut y lire : » J’ai toujours été soucieux de relations humaines, de changement et d’ouverture, c’est Laure qui les aura vécus le plus intensément en prenant racine sur les rives du Rhin. Disponible et attentive, soucieuse de spiritualité et d’ouverture sur le monde, elle aura toujours été pour moi une partenaire exigeante et discrète pour la réflexion et le partage. Sans elle, je ne serais pas ce que je suis et je ne serais pas qui je suis maintenant ».
Albert Huber
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