Je pense que ces quelques réflexions rejoindront peut-être celles d’autres amis mais elles restent spécifiques cependant à chaque individu, à son caractère, à ses passions, à ses engagements, à ses amours, à sa vraie vie vécue par lui seul. Pierre, après quatre années vécues à Rodez, estima qu’il était trop fatigué, à 64 ans et demi, pour poursuivre son activité.
Nous sommes donc remontés à Orléans où nous avions habité, entre 1976 et 1981, dans une vieille maison retapée par nos soins (période où nous avons fait une expérience de 6 ans hors paroisse). C’est là que des signes manifestes de perte de mémoire se sont accentués chez lui. Il en était conscient et exprimait que cela l’affectait.
Nous avons aussi décidé de chercher un appartement plus petit et nous sommes tombés sur une offre très satisfaisante : un appartement de 2 pièces dans une résidence-logement, gérée par la ville d’Orléans, bon marché, à deux pas du temple du centre-ville et des lieux culturels divers. Nous en avons bien profité ensemble, même dans des domaines séparés. Le cinéma l’absorbait particulièrement et nous en avons abondamment usé.
Mais le temps du diagnostic « Alzheimer » est venu. Que dire ? La vie a continué comme avant avec tous les aléas : heures de retour oubliées, entrées dans les magasins, dans les réunions, mais aussi courses et démarches partiellement exécutées, fruits ou boissons dégustés sans payer. Je dois dire que je me suis étonnée moi-même de ma sérénité. J’ai veillé à tout réconcilier cependant.
Mais une autre étape nous attendait. Après un accroc de santé sans gravité, sa désorientation était devenue dangereuse. Mes filles et moi avons alors pris la décision de trouver un lieu spécialisé et sécurisé. Ce fut le cas à Lamotte-Beuvron à 25 kilomètres d’Orléans. Il rejoint alors un petit groupe de 10 personnes, seul homme dans une unité « Alzheimer » d’EHPAD. Nous lui avons rendu visite 5 jours sur 7. J’y venais en train ou accompagnée d’amis en voiture qui m’avaient proposé leur aide amicale. Balades, jeux de société, goûters à l’extérieur rythmaient nos visites. Mes filles habitant loin venaient dans les périodes de vacances scolaires dans un gîte retenu près de l’EHPAD. En mars 2020, le moment du confinement total nous a tous surpris. Deux mois sans visites, vive le téléphone. Invention géniale ! Mais il parlait très peu. Le dé-confinement est venu très progressivement mais l’aggravation de son « Alzheimer » était confirmée et les contacts devenus très difficiles. Seuls les chants et les instruments (cantiques, populaires et israéliens) semblaient lui faire du bien. Nous l’avons beaucoup pratiqué avec nos filles jusqu’à son dernier souffle.
Que dire de cette période de retrait ? Les premières années ont été encore très enrichissantes (voyages, concerts, conférences, engagements divers pour les droits de l’homme, pastorales, etc.). Certains moments restèrent pénibles jusqu’au bout, (le départ après les visites) mais de bons moments ont été vécus pour chacun de notre côté. Le support de nos cinq filles a été sans faille. J’essaie, dans la mesure du possible, de rester fidèle à nos engagements communs : œcuménisme, droits de l’homme et paix, contacts divers y compris dans cette résidence où j’habite depuis 12 ans (dont 8 ans avec Pierre).
Henriette Tourne
Leave a Comment