Comment Israël a aimé ses ennemis…
Lors de la pastorale qui s’est tenue à la Faculté de Théologie de Montpellier, le 11 avril dernier, Dany Nocquet nous a présenté une lecture commentée de Josué 9. Ce chapitre se trouve dans la première partie du livre (chap. 2 à 12) et décrit la violence d’Israël sous la conduite de Josué. Après l’histoire de Rahab, arrive l’histoire des Gabaonites, leur ruse ou plutôt leur intelligence vis-à-vis d’Israël. Intelligence plutôt que ruse car le terme hébreu original est celui d’intelligence. Les Gabaonites font partie des ethnies du Nord-Canaan qu’Israël se doit d’exterminer. Et les Gabaonites vont avoir l’intelligence d’essayer de faire alliance avec Israël, en se faisant passer pour un peuple lointain (non cananéen). En effet ils craignent qu’Israël les extermine sachant déjà ce qu’Israël a déjà fait ailleurs contre d’autres peuples. Et au départ, ils ont un esprit de ruse, essayant de faire croire qu’ils viennent effectivement de loin. Trop contents d’arriver à être des alliés d’Israël, et des adorateurs de leur Dieu. Ils reconnaissent leur impuissance face à Israël invincible. Ils sont d’accord pour être ses esclaves en même temps que ses coréligionnaires, plutôt que de se faire exterminer par lui.
A ce titre Israël ne va pas consulter Yahvé, et lui-même n’intervient pas dans cette histoire. Aussi Josué va-t-il accepter de leur part cette alliance avec Dieu par serment. Et alors la Loi va s’ouvrir à un peuple habitant pourtant Canaan, ce que Josué va découvrir un peu plus tard (v. 16 à 21). La hiérarchie israëlite va passer outre la Torah, et ce malgré l’opposition du peuple. Il y a là une dimension divine dans ce dépassement de la Loi, même si les Gabaonites vont être utilisés comme esclaves. Mais les voilà intégrés et non exterminés, et serviteurs du Dieu d’Israël, leur adversaire théorique.
On peut parler d’une transgression de la Torah par Josué, du fait de cette alliance avec des étrangers cananéens. Israël a été capable de modifier la loi sur la guerre contre ses rivaux cananéens. Et ce n’est pas le seul texte dans l’A.T. où des ennemis d’Israël deviennent leurs coréligionnaires. Cf. par ex. Genèse 21 et 45 . Notre récit vient du temps de la diaspora. Le Dieu d’Israël peut devenir le Dieu des autres, lesquels pensent avoir droit à une relation avec Lui.
Denis Rafinesque
Dany R. Nocquet, La Samarie, la Diaspora et l’achèvement de la Torah, Academic Press Friburg, 2017.
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