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Protestants 2017 – Protestantismes, convictions et engagements

Actes du Colloque international, historique & interreligieux

22 & 23 septembre 2017 – Mairie de Paris

Éditions Olivetan, Lyon, 2019, 240 p., 25 €

François Clavairoly accueille le Président Macron

Voici un ouvrage qui rend compte du Colloque qui s’est tenu à la Mairie de Paris, les 22 et 23 septembre 2017, à l’occasion des 500 ans de la Réforme. L’événement était porté par la Fédération Protestante de France et placé sous la direction d’un conseil scientifique présidé par le professeur Patrick Cabanel. Anne Hidalgo, Maire de Paris accueillait l’événement et Emmanuel Macron, Président le République, avait tenu à honorer de sa présence la séance d’ouverture.

C’est François Clavairoly qui prend en premier la parole. Au nom de la Fédération, il inaugure l’événement. Il rappelle le lien entre Réforme et liberté de conscience, le lien profond avec la laïcité et puis il qualifie la Réforme aujourd’hui comme « un enjeu dans nos vies qui nous porte à découvrir notre vérité dans la rencontre avec l’autre ». Citant Lévinas, il ajoute : « Nous sommes voués au prochain ». Il décline ensuite devant la Maire de Paris et devant le Président de la République qui scrupuleusement prend note de tout ce qui se dit, les engagements essentiels d’un protestantisme pluriel dans le dialogue interreligieux, dans le champ des aumôneries aux armées, la santé, le handicap et les établissements pénitentiaires. Il évoque ensuite le champ éthique, un champ profondément nourri par les relations du protestantisme français avec les Églises dans le monde entier, en Europe, en Afrique, en Haïti, au Liban « qui accueille tant de réfugiés alors que la France pourtant si généreuse reste trop peu engagée » ; en Nouvelle-Calédonie « avec la perspective d’un référendum qui préoccupe les protestants de là-bas et nous-mêmes ici, de même que les autorités ». Il témoigne ainsi d’un protestantisme français, pluriel, divers, ouvert, engagé, mais aussi préoccupé. « Les 500 ans de la Réforme, aujourd’hui, c’est cela », conclut François Clavairoly.

Anne Hidalgo prend ensuite la parole pour accueillir le Colloque : « Je suis si heureuse que vous ayez choisi l’Hôtel de Ville pour cet événement prestigieux… ». Pour la Maire de Paris, il s’agit d’un événement qui met Paris au rendez-vous de la Réforme, « c’est à dire au rendez-vous de ce que la Réforme exige de nous : une conscience claire de l’état du monde et une foi non moins claire dans notre capacité à le transformer ». Pour Anne Hidalgo, « la Réforme en appelle à nos responsabilités vis à vis de la planète, du climat, des exclus, des réfugiés, des migrants et de ceux qui sont laissés pour compte ». Elle interpelle directement Geneviève Jacques, présidente de la Cimade : « Je veux dire ici à quel point vous inspirez Paris dans vos engagements vis à vis des réfugiés ». Elle évoque ensuite ce qui pour elle correspond aux marqueurs du protestantisme aujourd’hui : la fraternité, l’altérité, le dialogue interreligieux, la laïcité qui est « une forme de fraternité », la conscience individuelle comme « antidote à l’égoïsme, au rejet, à la peur, à la haine ». Comme Maire de Paris, dira-t-elle, « J’adhère à votre engagement inconditionnel pour faire de notre ville un sanctuaire de la liberté et de la fraternité au moment où l’Europe traverse une des plus graves crises migratoires…».

Emmanuel Macron, Président de la République, se lève et prend la parole. C’est une parole attendue. Doublement attendue, d’abord parce qu’il n’est pas commun qu’un président de la République s’adresse aux protestants de France et ensuite parce que concernant Emmanuel Macron, c’est la toute première fois qu’il s’adresse au protestantisme français. Tout de suite, il touche. La Réforme est d’abord un geste de foi. Les combats du protestantisme pour la liberté, l’esprit critique, l’indépendance religieuse, etc. ne peuvent se comprendre qu’à l’aune « d’une certaine idée de la foi, de la relation de l’homme à Dieu… ». Et c’est cela que la République respecte. « La République ne vous demande pas de nier votre foi ou de l’oublier. Elle la reconnaît dans sa plénitude… Elle la reconnaît dans l’intensité de ce que cette foi recouvre dans le rapport de celui ou celle qui croit en Dieu ». Le Président évoque ensuite la façon dont le protestantisme s’est inscrit dans « l’esprit français » à tel point que « l’héritage du protestantisme ne saurait aujourd’hui se détacher de notre histoire commune ». Il y a une racine protestante dans la conscience démocratique de la République de même qu’il y a une racine protestante dans la conception de la laïcité. Une racine dont la trace remonte à l’Édit de Nantes. Elle passe ensuite par la Constituante en 1789, avec l’article 10 sur la liberté de conscience défendu par Rabaut-Saint-Étienne, elle trouvera son accomplissement avec la loi de 1905. Ce rappel permet à Emmanuel Macron de dévoiler une de ses convictions fortes à propos de la laïcité : « La laïcité, ça n’est pas une religion d’État ; c’est une exigence politique et philosophique ; ça n’est pas la négation des religions ; c’est la capacité à les faire coexister dans un dialogue permanent ».

Le Président s’attache ensuite à répondre aux interpellations contenues dans les paroles inaugurales de François Clavairoly. Pour ce qui est du combat de l’Europe ou de celui du climat : « Vous me trouverez à vos côtés ». Il évoque ensuite la Centrafrique, le Tchad, Haïti, la Nouvelle-Calédonie. Votre voix est entendue par la République, dit le Président. Elle compte quand elle porte sur les affaires du monde autant que quand elle porte sur les questions de société comprenant la bioéthique, les mutations du numérique, l’intelligence artificielle…, etc. « Nous avons besoin que vous restiez la vigie de la République… ». Emmanuel Macron tient ensuite à saluer le combat des protestants pour l’émancipation des femmes, contre la pauvreté, contre la torture ; il salue le combat de la Cimade tout en rappelant qu’il est tenu de conjuguer les exigences de l’humanisme porté par la Cimade et « les chamboulements du monde dans lequel nous vivons ».

Pour finir, Emmanuel Macron en vient à Paul Ricoeur. C’est un passage émouvant dans lequel il évoque à la fois la distance et la proximité. La distance, c’est celle du maître à l’élève. La proximité, c’est celle d’un Paul Ricoeur disant à un Emmanuel Macron : « Avec vous, je parle comme avec un contemporain ». Emmanuel Macron nous dit qu’il ignore pourquoi Ricoeur l’a choisi comme assistant, mais il veut comprendre la contemporanéité autour de laquelle Paul Ricoeur a placé son rapport avec lui comme le signe à la fois d’une grande exigence et d’une belle confiance. « La confiance que m’a faite Paul Ricoeur… c’est mon viatique pour l’éternité ». C’est une confiance qui oblige. Et le Président de conclure : « Pour les 500 ans prochaines années : « Restez tel que vous êtes… S’il vous plaît, ne désertez pas le Désert. Il est pour la France, une source vivante de sa richesse ».

Patrick Cabanel introduit le Colloque

Après la séance solennelle d’ouverture vient le Colloque à proprement parler. Patrick Cabanel en sa qualité de président du Comité d’organisation apporte une introduction sous la forme d’une invitation à étudier la Réforme sous l’angle des sciences humaines et sociales. La Réforme ne se limite pas à la sphère théologique. Elle a irrigué les idées, elle a imprégné les comportements singuliers et collectifs, elle a façonné l’architecture et le rapport à la nature. Elle est, en ce sens, un phénomène de civilisation. C’est pourquoi, l’étude de la Réforme ne doit pas être laissée aux seuls théologiens ou aux seuls historiens de la religion, elle doit faire appel à l’ensemble des spécialistes des sciences humaines et sociales. Ainsi, ce Colloque de l’Hôtel de Ville est-il placé par Patrick Cabanel sous le signe d’un appel à étudier un véritable phénomène de civilisation.

Les interventions sont ensuite organisées autour de sept chapitres.

1 – Luther et le déploiement de la Réforme, avec Matthieu Arnold, Marc Lienhard et Thomas Maïssen.

2 – Diversité des Réformes, avec Marianne Carbonnier-Burkard et Bernard Cottret.

3 – La Réforme au miroir des autres courants religieux, avec Philippe Joutard, Hisham Abdelgawad, Rita Hermon-Belot, Michel Stavrou.

4 – Influence de la Réforme sur les arts et la culture, avec Katharina Schächl, Olivier Millet, Isabelle Saint-Martin

5 – Protestantisme et modernité, avec Jean Baubérot, Valentine Zuber, Jean-Paul Willaime, Gabrielle Cadier-Rey

6 – Engagements citoyens, avec Olivier Christin, Sébastien Fath, Grace Davie, Catherine Trautmann

7 – Engagements solidaires, avec François Dermange, Martin Kropp, Didier Sicard, Philippe Kabongo-Mbaya, Frédérique Harry.

Olivier Abel est chargé de la conclusion du Colloque. Il souligne combien la Réforme a pu irriguer la modernité « mais, dit-il, elle ne saurait s’y enfermer, aussi inachevée qu’elle soit elle-même ». Il évoque alors quelques-unes de ces promesses enfouies et inachevées que porte la Réforme. Il reprend notamment la question de la grâce pour l’envisager sous l’angle de la promesse d’un détachement égoïste du salut. C’est la gratitude comme « insouci de soi ». Il questionne la liberté chrétienne trop souvent comprise sous l’angle de la seule émancipation. On oublie alors que la libre solidarité est l’autre facette de la liberté. Il insiste sur le sujet de la foi qui est un « nous » et non un « je ». Il plaide pour un espace public faisant place à une « culture des conflits fondateurs » ou selon la formule de Paul Ricoeur, une culture « des consonances sans accord ». La dernière promesse enfouie pour Olivier Abel, c’est celle d’un regard apaisé sur le monde : « Nous devons changer notre imaginaire de la vie bonne vers plus de sobriété ». Et de conclure : « Nous ne devons pas tant répondre aux questions de notre époque que les déplacer… cela nous est rendu possible, justement parce que nous-mêmes ne répondons pas seulement à des questions, mais à un appel ».

Michel Bertrand avait été appelé pour intervenir dans la cadre de ce Colloque afin de faire le lien avec l’ouvrage collectif « Les protestants, 500 ans après la Réforme » publié chez Olivetan en juillet 2017. On se souvient en effet que dans la perspective de l’année Luther, il avait été chargé par la Fédération protestante de coordonner cet ouvrage collectif avec comme objectif de présenter le protestantisme dans tous ses aspects. Cet ouvrage, dont nous avons porté un large écho dans les colonnes du bulletin Hier & Aujourd’hui n°225, est un élément indissociable de ce Colloque. Il était juste que Michel Bertrand puisse apporter un témoignage à son sujet. Pour souligner cette unité profonde entre les deux événements d’édition, Olivetan a d’ailleurs conservé les mêmes codes d’édition et de maquette. C’est heureux ! Pour Michel Bertrand, l’ouvrage collectif dont il a eu la responsabilité était un outil de communication. Il y a désormais deux ouvrages et deux outils. « Diffusez-les dans vos familles, auprès de vos enfants, vos petits-enfants, vos proches… ». Ce sont en effet deux ouvrages qui marquent l’histoire de notre protestantisme contemporain.

Alain Rey

À propos de l'auteur

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Alain Rey

Directeur de la publication Hier & Aujourd'hui
Pasteur de l'EPUdF
Études à Montpellier, Berkeley et Genève
Pasteur à Fleury-Mérogis, Mende, au Defap et à la Cevaa

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