Daniel Marguerat
VIE ET DESTIN DE JÉSUS DE NAZARETH
Seuil, 2019, 392 p., 23 €
Les Vies de Jésus ne manquent pas. Il en sort au moins une ou deux chaque année ! Mais souvent chez des éditeurs un peu spécialisés qui ne touchent qu’un certain lectorat. Ce nouveau livre de Daniel Marguerat, environ son quarantième, sort chez un grand éditeur au large public… comme la Vie de Jésus d’Ernest Renan chez Michel Lévy en 1863 ! Espérons qu’il aura le même succès !
Bien sûr la caractéristique première de cette nouvelle Vie n’est pas d’avoir trouvé un grand éditeur ! Elle tient à la personne de son auteur, référence internationale sur le Nouveau Testament et auteur aux qualités pédagogiques reconnues. Il commence par une préface et un premier chapitre sur les sources d’information sur Jésus (entre autre celle de Flavius Josèphe) indiquant très utilement les moyens et méthodes de la recherche qui suit. Puis ce sont les origines et l’enfance de Jésus qui sont examinées, à la lumière des récits peu historiques, mais théologiques, de Matthieu et Luc et d’autres indices divers. Ce qui caractérise le statut social et religieux irrégulier de Jésus est qu’il est « sans père », ce qui peut expliquer bien des aspects de son existence de célibataire marginal et divers aspects de sa relation à Dieu. Un chapitre marquant est consacré au fait que Jésus a eu Jean-Baptiste comme mentor très influent. Il a pris par la suite des positions différentes de son maître sur l’attente du Royaume, mais il faut donner au Baptiste un rôle bien plus important que ne le font les Évangiles.
L’activité de Jésus est décrite en trois chapitres : il est guérisseur sans exigence matérielle ou de prestige, poète du Royaume sans pour autant susciter des peurs apocalyptiques, et on examine ses amis (à mettre entre autre au féminin) et ses concurrents. Les données précédentes sont synthétisées en un chapitre central sur la vocation de Jésus et la conscience qu’il avait de sa mission, repérée aux titres qu’il a refusés ou acceptés plus ou moins implicitement. On ressent à ce moment du livre tout ce que Jésus a apporté à ceux qu’il a rencontrés et ce qu’il peut représenter ensuite.
Mais il faut bien sûr étudier tout ce que l’on peut dire, toujours historiquement, de la passion et de la mort de Jésus. Ce que l’on sait des institutions juives et romaines et sur le poids relatifs du politique et du religieux et les suppositions sur la conscience qu’avait Jésus, mais aussi Judas, de ce qui se jouait, permettent de dresser un tableau cohérent de cet événement capital pour le christianisme. Daniel Maguerat cite presque en finale cette formule de Heinz Schürmann : « L’homme de Nazareth a pressenti sa mort comme l’aboutissement inexorable de sa « pro-existance », c’est dire de sa vie pour les autres.
C’est dans la dernière partie du livre intitulée « Jésus après Jésus », l’auteur s’en explique, qu’il et question de la résurrection. C’est un événement qui échappe à l’examen objectif. Mais il est clair qu’il s’est produit pour les proches de Jésus des événements qui leur ont donné la certitude que l’aventure Jésus se poursuivait. Daniel Marguerat choisit de parler de visions ce qui permet à la fois de dire qu’il s’est passé quelque chose tout en faisant comprendre que cela échappe au contrôle des sciences historiques.
Le chapitre sur Jésus dans la littérature apocryphe nous rappelle l’extraordinaire variété du christianisme primitif. Ceux qui sont consacrés à Jésus dans le judaïsme et dans l’islam nous donnent de bons moyens pour un dialogue éclairé et serein entre les tenants des monothéismes d’origine moyen-orientale. Les notes contenant bien des indications bibliographiques et la liste d’ouvrages de référence contribuent à faire de cette Vie de Jésus un instrument indispensable pour l’information, la réflexion et le dialogue. Il l’est bien sûr, plus globalement, et par les données rassemblées et – ce qui va avec – par la méthode à la fois très rigoureuse et modeste qui est employée pour les examiner.
Un compte rendu d’Olivier Pigeaud, pour LibreSens
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