Les livres Théologie

Antier Guilhen – Nocquet Dany : Nouveaux regards sur l’Ancien Testament

Les deux éditeurs présentent le travail de divers intervenants dans une série de cours publics à la Faculté protestante de Théologie de Montpellier, pendant l’année 2021-2022. Ces derniers constituent une approche diversifiée de l’Ancien Testament, au-delà de la compétence des seuls biblistes. Après trois communications sur diverses approches scripturaires, cinq théologiens de disciplines différentes (historique, pratique, systématique) font part de leurs références à la source vétérotestamentaire dans leurs domaines respectifs.

 

 Avec l’étude de divers textes scripturaires, des biblistes proposent d’abord quelques outils ou paramètres propres à la lecture de l’Ancien Testament (exégèse et herméneutique).

 

  • La piste de l’histoire du texte permet d’y déceler divers stades de sa transmission historique jusqu’à sa fixation finale, reflétant des perspectives théologiques nouvelles. La narration de la visite de trois personnages venus annoncer à Abraham sa prochaine paternité, avec la qualification de la farine utilisée pour le repas qu’elle comporte (Genèse 41), en est un exemple.
  • L’approche contextuelle des textes tient compte de la situation historique au moment de leur rédaction. Ainsi, les dominations successives (assyrienne, babylonienne, perse ou hellénistique) sont des facteurs déterminants dans l’élaboration des textes de leur époque, notamment chez les prophètes et les livres de sagesse.
  • L’étude comparée des récits bibliques révèle des perspectives théologiques diverses, voire opposées. Ainsi, le cycle de Joseph développe une vision inclusive de la tradition hébraïque par rapport à la société égyptienne, à la différence de bien d’autres textes très exclusifs face aux cultures environnantes. On peut ainsi constater une évolution de la pensée dans la Bible. Il est tout à fait impossible de la réduire à une doctrine unique.
  • Enfin, on peut étudier les diverses figures qui occupent la scène de l’histoire biblique. Elles acquièrent ainsi un caractère symbolique structurant de la spiritualité hébraïque. Abraham est la figure de la foi souveraine et de la fidélité à sa vocation, tandis que Ève est synonyme de trahison, de tromperie. Il y a tout un panorama de figures à déployer de la sorte.

 

Puis, une historienne montre que l’herméneutique (l’interprétation) est conditionnée par le contexte de vie du lecteur ou du bibliste. Le cas d’Origène (début du 3ᵉ siècle), l’un des fondateurs de l’exégèse chrétienne, est significatif à cet égard. Au-delà du sens littéral, il propose une lecture spirituelle et christologique de l’Ancien Testament, face à divers interlocuteurs, juif (la diaspora), chrétien hérétique (Marcion), philosophique (gréco-romain), et avec son souci des “gens simples”.

 

Un missiologue nous emmène dans les îles du Pacifique sud, où les missionnaires protestants eurent tant de difficultés à traduire la Bible judéo-chrétienne pour un contexte socio-culturel si différent du monde occidental. Comment y traduire le mot “dieu” (dans le récit de la création) ? Qu’y faire du décalogue ? Il convient d’entendre aujourd’hui la voix de leurs théologiens qui appellent leurs confrères occidentaux à passer du salut personnel au salut de la création.

 

Un professeur de “théologie pratique” recourt à l’exégèse vétérotestamentaire (étude des personnages du “vieux prophète” de Béthel et de “l’homme de Dieu” de Jérusalem – I R.13) pour illustrer un enseignement pastoral : la vérité n’est pas d’ordre moral récompensant les justes et punissant les méchants (ou menteurs). Les uns et les autres ont une valeur (une importance) au-delà (en Dieu ?) de leurs désirs propres, de leurs vérités ou de leurs faits et gestes. L’humain est plus complexe. ─ Un autre encore invite à trouver dans l’ensemble de l’Ancien Testament la révélation du  Dieu souverain d’amour, de justice et de paix, dont l’humanité s‘acharne à s’affranchir, voire à s’emparer.  Luther et Bultmann aident à trouver dans les Ancien et Nouveau Testaments un Dieu libre et gracieux.

 

Enfin, un théologien systématicien aborde la question du titre des deux grandes parties de la Bible chrétienne (Ancien et Nouveau Testaments) avec la fâcheuse hiérarchie que cela implique, source de blocages dans le dialogue judéo-chrétien. Au-delà de la terminologie, on devrait pouvoir considérer le judaïsme et le christianisme comme deux courants divers issus d’une même source, l’Alliance (Testament) originelle dont témoigne ce que les chrétiens nomment Ancien Testament.

 

Gilbert Charbonnier pour Libre Sens

Antier Guilhen – Nocquet Dany (éd.), NOUVEAUX REGARDS SUR L’ANCIEN TESTAMENT, Approches interdisciplinaires de la Bible hébraïque, Éditions Olivétan, Collection Théologies – 4e trimestre 2023, ISBN : 978-2-35479-638-9 – 210 pages (225×140×16 mm) – 18,00€

À propos de l'auteur

mm

Alain Rey

Directeur de la publication Hier & Aujourd'hui
Pasteur de l'EPUdF
Études à Montpellier, Berkeley et Genève
Pasteur à Fleury-Mérogis, Mende, au Defap et à la Cevaa

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.