Yvon Bilisko, Ma Révolution, Thierry Hernando éditeur, 2021, 246 p., 20 €
Yvon Bilisko est un pasteur adventiste à la retraite. C’est un homme actif, engagé dans la vie culturelle de son territoire, notamment comme professeur d’histoire des religions à l’Université du temps libre de Laragne et du Gapençais. La retraite étant venue, il a eu le goût de se pencher sur son parcours et d‘écrire l’histoire de sa vie hors du commun. On comprend à la lecture de l’ouvrage que c’était pour lui une démarche nécessaire tant pour faire le point, pour transmettre que pour témoigner. C’est l’histoire d’un homme passionné qui n’a pas hésité, un beau jour, à renverser la table et à organiser sa vie pour le service de celui qu’il découvre comme étant son Seigneur : une vie incroyable, un récit passionnant !
Le petit Yvon est né à Ismalia, sur les bords du canal de Suez. Son père travaille alors dans l’administration du canal. En 1956, Nasser nationalise le canal. Les Bilisko doivent quitter l’Égypte. Yvon a six ans. Il vit ce départ comme un véritable arrachement. La famille Bilisko s’installe en région parisienne. Les parents d’Yvon sont catholiques. Bozidar, le père d’Yvon, issu d’une famille yougoslave, avait caressé le rêve de devenir prêtre. Liliane, la mère d’origine maltaise, restera jusqu’au bout engagée dans la foi de son Église. Liliane et Bozidar élèvent leurs enfants dans la foi de l’Église catholique et souhaitent pour Yvon un parcours dans la foi et pourquoi pas dans la prêtrise. Ils l’inscrivent alors au petit séminaire de Versailles. Il en est très vite dégoûté. Le christianisme qu’il y rencontre est hypocrite et le Christ en est le grand absent. Yvon fera alors devant toute la classe une profession d’incroyance : « J’ai perdu la foi ! Je ne crois plus en rien ! Je suis athée ! ». L’ado est révolté. Il sera renvoyé au grand dam de ses parents qui devront désormais déployer des trésors de relation et d’invention pour régulièrement lui trouver des établissements susceptibles d’accompagner sa scolarité.
Les événements de 68 viennent structurer sa révolte et le renforcent dans l’option du militantisme politique. En 1969, il est étudiant à Nanterre en même temps qu’il tisse des liens avec le monde du travail. L’étudiant Bilisko cherche sa voie. Il la trouvera dans le syndicalisme. Il entre à la CGT. Son ascension ne s’arrêtera plus. Les responsabilités seront de plus en plus importantes. L’adhésion au PCF se situe dans la logique des choses. Il s’encarte. Au parti, on compte sur lui. Il en devient un cadre important. Dans les écoles du parti, il forme les apprentis à la doxa communiste. Il croise les plus grands du parti de l’époque, Gremetz, Marchais, etc. Un avenir politique de premier plan lui est garanti. Mais en 1979, ç’en est trop ! Il s’oppose à la motion de Georges Marchais au XXIII° congrès du parti qui ne voulait pas de discussion sur l’Union soviétique. Yvon n’est pas d’accord. Il veut qu’on ouvre le débat le stalinisme. Il est censuré. Il renvoie alors sa carte et se retrouve sans parti. Seul. Une véritable descente aux enfers.
Quelques temps après, un homme frappe à sa porte. Il lui réserve un accueil poli. L’homme revient un an plus tard. Il le reçoit. C’était un pasteur. Commence alors un parcours inattendu. Avec Paul et ensuite avec Charly, Yvon entreprend d’explorer les écritures et d’accueillir la foi. Il demande le baptême. C’est le 14 novembre 1981 que ce grand jour arrive. Entouré des siens, de ses proches, de ses parents, accompagné de sa femme Danièle, il est plongé dans l’eau pour y engloutir la vieille histoire. Lui, le militant communiste, lui qui avait rejeté la foi convenue de ses parents, s’ouvrait à la foi en Christ. C’était une nouvelle naissance.
Cette naissance nouvelle devait ensuite le conduire à orienter sa vie vers le ministère pastoral. À 35 ans, Yvon et sa famille se retrouvent à Collonges-Sous-Salève pour une formation théologique de plusieurs années. Les choix furent difficiles. Danièle finalement donne son accord. La révolution est alors totale, radicale. Après Collonges-sous-Salève, on suit le ministère d’Yvon dans les prisons, dans l’édition, en paroisse. Il est pasteur, il est théologien mais avant tout autre chose, il reste un témoin. Cela donne des épisodes cocasses, dans le train, en prison, ou encore dans une chambre d’hôpital avec un chirurgien.
Le récit d’Yvon Bilisko sur sa vie est tout à fait passionnant et bien écrit avec l’aide de Thierry Hernando. Il s’agit d’une sacrée révolution ! Respect Monsieur Bilisko !
Alain Rey
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