Histoire

Et Dieu créa les femmes de la Cimade… par Marie-France Reboul, historienne

Les origines de la Cimade

La Cimade a eu 75 ans le 18 octobre 2014. Comment est née cette association qui a aujourd’hui pour objet l’aide aux étrangers placés dans les centres de rétention administrative et la défense de leurs droits [1] ?

Des femmes protestantes créent la Cimade en 1939

Suzanne de Dietrich

Suzanne de Dietrich, Violette Mouchon, Jane Pannier, Georgette Siegrist, Madeleine Barot, femmes protestantes, responsables de mouvements de jeunesse sont à l’origine de la création de la Cimade.

Suzanne de Dietrich, née en 1891, dans le Bas-Rhin, est issue d’une célèbre famille protestante de maîtres de forges alsaciens. Elle a une formation scientifique, étant en 1913 une des premières femmes à obtenir le diplôme d’ingénieur, mais n’exerce pas son métier et entre en 1914 dans la Fédération française des associations chrétiennes d’étudiants (FFACE) dite la Fédé dont elle devient en 1918 la secrétaire générale. En 1915, elle se lie d’amitié avec Suzanne Bidgrain, « la grande Suzanne ». Toutes deux introduisent les études bibliques dans les associations d’étudiants. Un des maîtres de Suzanne de Dietrich est Karl Barth, théologien suisse, à l’origine avec le pasteur Martin Niëmoller de la création en 1934 de l’Eglise Confessante allemande. Celle-ci refuse l’adhésion aux théories raciales d’Hitler et fait scission d’avec l’Eglise Evangélique allemande devenue l’Eglise des Chrétiens allemands, église nationale et aryenne. Comme Karl Barth, Suzanne de Dietrich proteste contre Munich « une politique de gangsters s’est instaurée en Europe avec l’assentiment de la France et de l’Angleterre…au fur et à mesure que l’hégémonie hitlérienne s’établira sur l’Europe…il s’agit pour nous autres chrétiens français de nous souvenir que nous sommes responsables devant Dieu des destinées de notre patrie »

C’est cette conscience du danger du nazisme qui pousse Suzanne de Dietrich et Charles Westphal, pasteur à Grenoble et secrétaire général de la Fédé, à rassembler en 1937 les mouvements de jeunesse en une Commission Inter-Mouvements ou CIM. Il faut préparer intellectuellement et spirituellement les jeunes à une guerre qui semble inévitable et à la résistance à l’idéologie raciale.

Dès l’été 1939, les Alsaciens-Lorrains sont évacués en prévision de la guerre vers les  départements de la Haute-Vienne et de la Dordogne. Les populations de ces régions, plutôt catholiques, les accueillent mal en raison de leur langue, l’alsacien, proche de l’allemand. Suzanne de Dietrich s’inquiète de leur sort et fait appel au CIM qui se réunit à Bièvres sous la direction de Violette Mouchon, commissaire nationale des Eclaireuses Unionistes. Le 18 octobre 1939, le CIM décide d’intervenir et devient le Comité inter-mouvements auprès des évacués ou Cimade, dont le nom se féminise très vite à cause du suffixe « ade » et peut-être aussi en raison du rôle qu’y jouent les femmes[2]. Jane Pannier, présidente de l’Union Chrétienne des Jeunes Filles (UCJF) en devient la présidente ; Georgette Siegrist, ancienne commissaire nationale de la Fédération française des Éclaireuses assistée de Lisette Nègre, crée des équipes, d’où le nom d’ « équipier » resté d’usage ; ces équipes issues des mouvements de jeunesse sont envoyées dans les régions d’accueil pendant l’hiver 1939 et au printemps 1940 afin d’y apporter une aide spirituelle et sociale. Les équipes sont formées de femmes puisque les hommes avaient été mobilisés.

Violette Mouchon que l’on peut qualifier d’historiographe de la Cimade a tenu, dans ses Carnets[3], un compte précis des équipières de la Cimade : pendant la guerre, 15 femmes dans les camps d’internement et 3 hommes, 23 femmes dans les centres d’accueil protestants et résidences assignées pour les internés que la Cimade réussit à faire sortir des camps et 6 hommes.

Les relations originelles entre mouvements de Jeunesse et Cimade se poursuivront tout au long de la guerre, sous des formes différentes liées à l’évolution de l’occupation de la France.

La Cimade crée des baraques dans les camps d’internement de Vichy

Madeleine Barot

L’armistice du 22 juin 1940 remet en question le rôle de la Cimade. Une partie des Alsaciens rentre chez eux, d’autres se dispersent pour trouver du travail.

Les responsables des mouvements de jeunesse se réunissent le 15 août 1940 et nomment Violette Mouchon présidente de la Cimade,  Madeleine Barot secrétaire générale[4], convaincus par le pasteur Marc Boegner, président du Conseil national des Eglises Réformées de France et président de la Fédération protestante de France, qu’il faut consacrer leur aide désormais aux internés des camps de Vichy qui se multiplient.

Les camps d’internement ont été créés en novembre 1938 par la IIIème République. Des allemands opposants au nazisme avaient émigré en France dès 1933, puis de plus en plus de Juifs, notamment après la Nuit de Cristal en 1938. Devant les manifestations françaises de xénophobie et d’antisémitisme, le gouvernement Daladier décide donc d’ouvrir un premier camp à Rieucros le 21 janvier 1939. La défaite des républicains espagnols le 26 janvier 1939 conduit à la décision d’interner les Espagnols dans cinq camps situés dans le département des Pyrénées-Orientales, mais rien n’est fait pour leur accueil et les conditions d’hébergement sont déplorables.

Le 25 avril 1939 est ouvert le camp de Gurs. Avec la guerre, les mesures d’internement sont étendues aux réfugiés du Reich, considérés comme « indésirables » par une large partie de l’opinion publique et de la classe politique. A la fin de 1939, les réfugiés sont répartis à travers tout un réseau de camps d’internement disséminés sur tout le territoire français. C’est cet « héritage »[5] que le gouvernement de Vichy va gérer et  « dévoyer »[6].

Mutilés espagnols à Gurs

Après avoir enquêté sur la situation des réfugiés alsaciens, Madeleine Barot constate le sort misérable des étrangers internés dans les camps. «  C’était dans ses camps qu’il fallait essayer de pénétrer, pour être avec eux, présents auprès d’eux[7]. »

Elle prend contact avec le pasteur d’Oloron-Sainte-Marie (Pyrénées-Atlantiques) Henri Cadier  qui, depuis le 6 décembre 1939, a reçu l’autorisation d’entrer dans le camp de Gurs mais uniquement pour y célébrer les services religieux. Il l’informe qu’il s’y trouve de nombreux enfants en bas âge. Madeleine Barot et Suzanne Aillet, équipière de la Cimade en 1939 dans le Poitou, se présentent à l’entrée du camp avec de la layette et des vêtements pour enfants. Toutes deux s’installent dans un village voisin et se rendent à Gurs plusieurs fois par semaine avec des vêtements et des compléments alimentaires. Madeleine Barot demande à la préfecture l’autorisation d’envoyer des assistantes sociales pour aider matériellement et moralement les internés. Les 24 et 25 octobre 1940 plusieurs milliers de Juifs de Bade arrivent à Gurs. L’administration est débordée et donne l’autorisation à la Cimade de s’installer dans une baraque du camp. La première équipe est formée de Suzanne Aillet et de Jeanne Bertsch, remplacée en 1941 par Jeanne Merle d’Aubigné qui y séjourne pendant presque deux ans.

Camp de Gurs

Jeanne Merle d’Aubigné raconte : « Impression saisissante dès l’entrée. Rigueur monotone. Une mer de baraques sur trois kilomètres de long et un kilomètre et demi de large. Un marécage traversé par une route…Une ancienne baraque de gendarmes au nord du camp fut le domicile de la Cimade. Nous eûmes le privilège d’avoir un plancher et sur nos têtes un toit presque étanche…Notre service de visites commença petit à petit. De baraque en baraque, de souffrance en souffrance, de désespoir en désespoir. C’était nécessaire de vivre au milieu d’eux tous. Mais c’était à la limite parfois de ce que nous pouvions supporter. Je me rappelle ma première entrée dans une baraque. Il faisait froid. Les volets étaient fermés, puisque de vitres, il n’y en avait point. Tout était obscur. La lumière électrique n’était donnée que de 18 à 20 heures. En entrant, je vis des points luisants. C’étaient les yeux des femmes qui se braquaient sur moi comme ceux des chats dans la nuit…Les vêtements qu’on voulait sauver des rats étaient suspendus à des cordes…Le poêle n’était allumé que deux heures par jour. »[8]

L’histoire des baraques de la Cimade commence : au fronton de la baraque de Gurs, les équipières ont inscrit « je ne vous demande pas qui vous êtes, mais quelle est ta douleur. »

Bibliothèque de Gurs : les livres apportés par les équipières sont une ressource pour les internés.

Bibliothèque de Gurs

En février 1941, Madeleine Barot entreprend une tournée d’inspection pour évaluer les besoins. « L’expérience de Gurs prouva rapidement que des visites mêmes fréquentes dans les camps étaient beaucoup moins valables que la présence d’équipiers résidant en permanence à l’intérieur des camps…ils étaient là, à l’intérieur des barbelés, toujours accessibles. »[9] Des équipières, toujours par deux, s’installent dans des baraques au Récébédou (Haute-Garonne), à Nexon (Haute-Vienne), Douadic (Indre), Naillat (Creuse), Rieucros (Lozère), Brens (Tarn), et Rivesaltes (Pyrénées-Orientales). La Cimade n’intervient que dans les camps de la zone sud.

L’installation de la Cimade à Gurs et ailleurs est suivie de celle d’organisations israélites, internationales et françaises, l’OSE (Œuvre de Secours à l’Enfance), l’ORT (Organisation, Reconstruction, Travail) et d’organisations de secours : les Quakers, le Secours suisse aux Enfants.

La Cimade à Nîmes

Avec l’armistice, le secrétariat général de la Cimade s’installe à Nîmes, 7 rue Grétry. Nîmes, « cœur du  pays » protestant accueille aussi le pasteur Marc Boegner qui s’installe rue Brousson, dans le bâtiment du vieux temple de Nîmes où réside également Madeleine Barot.

Pendant deux ans, le pasteur Boegner reste proche du maréchal Pétain dont il partage les idées moralisantes inscrites dans la Révolution nationale : « l’autorité de la famille, l’éducation de la jeunesse, la dignité du travail [10] ». Il fait partie du Conseil national, créé par Pétain, pensant que sa proximité des milieux vichyssois lui permettra d’agir en faveur des internés. Mais il s’indigne des clauses de l’armistice concernant la livraison à l’Allemagne des étrangers antinazis et s’inquiète du caractère personnel du pouvoir donné à Pétain par les articles constitutionnels. Le 26 mars 1941, il adresse deux lettres, l’une à Darlan pour protester contre le statut des Juifs[11], l’autre au grand Rabbin de France pour l’assurer de « la douleur que nous (l’Eglise protestante) ressentons à voir la législation raciale introduite dans notre pays ». Recopiée à la main, elle circule comme tract à travers toute la France et prend valeur de manifeste. Elle fait écho à la lettre adressée par M.Boegner, le 6 avril 1933, au même grand rabbin, lors du premier déchaînement antisémite en Allemagne nazie. Dans les deux cas, M.Boegner rappelle la persécution qu’a subie l’Eglise réformée française aux XVIIème et XVIIIème siècles et le lien qui unit Juifs et Protestants à travers La Bible de l’Ancien Testament. « Les fils spirituels des Huguenots tressaillent d’émotion et de sympathie chaque fois qu’une minorité religieuse est persécutée. Et ils savent trop ce que le christianisme et, très particulièrement, les Eglises de la Réforme doivent aux Prophètes qui ont frayé la voie à l’Evangile pour ne pas se sentir meurtris des coups, qui frappent les fils d’Israël »[12]. Il ne cesse de soutenir l’action de la Cimade en faveur des réfugiés juifs ou autres et sera profondément choqué par la situation des internés lorsque Madeleine Barot lui fera visiter le camp de Gurs en 1941 «  il resta muet d’horreur devant ces hommes inertes (les malades), décharnés, mourant sur le sol[13] ».

Comité de Nîmes

L’Eglise Réformée de France est restée en contact avec la Suisse et les organisations internationales d’assistance. Sous l’impulsion de Dr Donald Lowrie, américain, rattaché au Comité universel des Unions chrétiennes des jeunes gens et de Charles Guillon, maire du Chambon sur Lignon, membre des Young christian men association est créé un Comité de Coordination pour l’Assistance dans les Camps. Une vingtaine d’associations en sont membres avec la Cimade, associations de mouvements de jeunesse, d’assistance aux migrants, religieuses (américaine, européenne, belge, polonaise, suisse, unitarienne, quaker, juive) ainsi que le Comité international de la Croix-Rouge.

Pour que l’aide soit efficace, Donald Lowrie propose une base de coordination des efforts. C’est le Comité de Nîmes qui se réunit une fois par mois au siège de la Cimade à Nîmes de janvier 1941 à novembre 1942, l’occupation par les Allemands de la zone sud mettant un terme à ses réunions.

Ceux qui travaillent dans les camps rencontrent ceux qui viennent de Genève. Ils échangent des informations, examinent les besoins. Sont présentes aussi les organisations officiellement patronnées par le ministère de l’Intérieur (en mars 1941, a été créée à Vichy l’Inspection générale des camps). Entre les séances, les fonds venant de Genève sont remis discrètement à la Cimade et autres organisations  présentes dans les camps. L’occupation de la zone sud mettra fin au Comité de Nîmes mais grâce à lui les différentes organisations se connaissaient ce qui facilita la résistance à la déportation.

La réponse théologique de la Cimade à la xénophobie et l’antisémitisme de Vichy : les thèses de Pomeyrol

L’Eglise confessante allemande repose sur la Déclaration de Barmen de 1934 qui sous-tend sa création. Elle refuse notamment l’inféodation de l’Eglise à l’idéologie nazie.

En septembre 1941, se réunissent à Pomeyrol, en France, 16 personnes, toutes réformées, trois laïcs dont Suzanne de Dietrich et Madeleine Barot et treize pasteurs ou théologiens dont deux responsables de mouvements de jeunesse. Il s’agit d’une réflexion spontanée, sans mandat. La Déclaration finale se présente sous forme de huit thèses. Les quatre premières sont consacrées aux rapports de l’Eglise et de l’Etat. ; la cinquième aux limites de l’obéissance à l’Etat ; la sixième au respect des libertés individuelles. La septième thèse «  élève une protestation solennelle contre tout statut rejetant les Juifs hors des communautés humaines »… La huitième condamne la collaboration « Elle (l’Eglise) considère comme une nécessité spirituelle la résistance à toute influence totalitaire et idolâtre »[14].

Ces thèses reçurent un accueil plus ou moins favorable dans le monde protestant français, mais, dans l’ensemble, elles sont à l’origine de la résistance spirituelle de beaucoup, même si  elles ne sont pas à l’origine de la création d’une Eglise confessante à l’image de l’Allemagne. L’influence de Karl Barth y est sensible, comme elle l’est tout particulièrement sur les mouvements de jeunesse protestants, grâce à Pierre Maury, pasteur et directeur de la revue Foi et Vie, ami de Visser’t Hooft, secrétaire général du Comité provisoire du Conseil œcuménique des Eglise, sis à Genève. Dans Foi et Vie, paraît en janvier-février 1940 Lettre aux protestants de France de Karl Barth « le national-socialisme hitlérien est devenu une menace grandissante pour l’Europe…l’Eglise doit « dire avec sérieux et clarté que la résistance est aujourd’hui nécessaire. »

Après l’armistice, Karl Barth envoie une autre Lettre aux protestants de France qui circulera dactylographiée pendant toute la guerre « l’Eglise de France ne saurait conclure la paix ou l’armistice avec Hitler. »

Aux raisons théologiques, l’élection d’Israël par Dieu pour le salut de l’humanité, s’ajoute «  une raison d’ordre évangélique sollicitée par la compassion et la charité. »[15]

La résistance de la Cimade, 1942-1944

Très tôt, le secrétariat de Nîmes ajoute à ses activités officielles d’autres qui le sont beaucoup moins : une petite officine de faux papiers est capable d’en produire cinquante en une nuit[16]. Quand les premières déportations commencent, cette activité de résistance se développe. Après la rafle du « Vel’d’Hiv » du 17 juillet 1942, le pasteur Boegner obtient du cardinal Gerlier qu’il envoie une lettre de protestation. Celle de Boegner, datée du 20 août 1942 est diffusée dans la presse nationale et internationale. Un entretien orageux avec Laval, une intervention diplomatique auprès du chargé d’affaires américain n’ont aucun résultat quant aux demandes du pasteur de surseoir aux déportations en zone sud.

Les équipières de Gurs

Les équipières de Gurs et de Rivesaltes alertent le bureau de la Cimade d’une prochaine déportation. Madeleine Barot part aussitôt à Vichy pour rencontrer l’Inspection générale des camps et reçoit la confirmation des déportations des Juifs étrangers avec toutefois des exemptions dont la Cimade et les autres organismes d’entraide sont autorisés à vérifier l’application. Tous le feront mais écrasés par l’ambiguïté de la situation. Jeanne Merle d’Aubigné à Gurs[17], Laurette Alexis-Monet au Récébédou, puis à Nexon en témoignent[18].

Madeleine Barot prend conscience qu’il vaut mieux concentrer ses efforts sur d’autres interventions. En commun avec la Cimade, dans la nuit du  20 août 1942, les responsables des Amitiés Chrétiennes, le Service social des étrangers, le Consistoire israélite sauvent une centaine d’enfants juifs rassemblés avec leurs parents au camp de Vénissieux, en obtenant de ces derniers un acte d’abandon. Les « enfants du cardinal » (le cardinal Gerlier ayant donné sa caution) sont sortis du camp avant l’aube et dispersés ensuite dans des paroisses protestantes et des communautés catholiques.

Laurette Alexis-Monet raconte dans son livre comment, en avril 1943, elle fit s’évader du camp de Nexon deux communistes, l’un allemand, l’autre russe qui, avec l’aide de passeurs protestants, gagnèrent le maquis.

Mais ce genre d’opérations ne peut se renouveler souvent, aussi la Cimade choisit-elle d’intervenir avant que les gens n’arrivent dans les camps : elle disperse les hébergés dans des centres d’accueil, dans des familles. On sait que les Cévennes, la Drôme, l’Ardèche, du Chambon-sur-Lignon à Dieulefit, terres protestantes, furent des refuges.

Souterrain au Chambon ayant servi de cache aux Camisards

Le dimanche 6 septembre 1942, l’assemblée annuelle des protestants français au Musée du Désert qui commémore la résistance des protestants au XVIIIème siècle, revêt une importance exceptionnelle[19]. La Cimade utilise les cars affrétés par l’Eglise Réformée de Nîmes pour conduire les paroissiens au Musée du Désert et y cache des Juifs menacés, Nîmes ayant connu une rafle les 25 et 26 août.

Dans son prêche, Marc Boegner rappelle la parabole du bon samaritain et invite les protestants à la mettre en pratique vis-à-vis des Juifs. Le lendemain, Boegner envoie une lettre aux pasteurs de la zone sud, leur demandant de lire son message dans leurs paroisses le 22 septembre, afin de tout mettre en œuvre pour sauver les persécutés.

Les traques continuant, la Cimade décide d’évacuer le plus grand nombre, le plus rapidement possible vers la Suisse ou l’Espagne. Cette action clandestine se fait depuis Nîmes jusqu’en septembre 1943, date à laquelle le secrétariat de la Cimade, lié aux organisations de jeunesse, s’installe comme elles à Valence, au 31 Côte des Chapeliers.

Boulogne sur mer en 1945

Jusqu’à la fin de la guerre, la Cimade continuera son œuvre : présence dans les camps d’internement, passage clandestin en Suisse.

Après-guerre

La Cimade continue à intervenir en France auprès des populations affectées par la guerre, ouvrant des baraques notamment sur la côte nord-ouest particulièrement touchée par les combats.

Elle effectue un travail de reconstruction sociale, aidée en cela par l’aide matérielle américaine, suisse et celle des équipiers venus des pays de l’Europe du Nord.

La réconciliation franco-allemande

En 1947, à la demande de l’Eglise protestante allemande, elle ouvre une baraque à Mayence pour venir en aide aux jeunes Allemands complètement désemparés par la défaite de leur pays et de l’idéologie dans laquelle ils ont grandi.

1953 voit l’ouverture d’une baraque à Berlin pour venir en aide aux réfugiés de l’est.

Distribution de lait suisse à Boulogne sur mer

La Cimade a    ainsi participé à la réconciliation franco-allemande avant de devenir l’organisation actuelle qui secourt les immigrés, partageant cette tâche depuis 2009 avec 6 autres associations dans les centres d’accueil et de rétention.

Article écrit par Marie-France Reboul, chercheure en histoire

[1] Cette mission confiée en 1984 à la seule Cimade a été remise en cause par le gouvernement en 2009 qui voulut découper la France en régions et confier l’aide aux étrangers à différentes associations par un appel d’offres. De ce fait, la Cimade n’avait plus d’action nationale. Par ailleurs, le rôle des ONG se limiterait à une simple information des droits des étrangers. La Cimade a fait appel à la justice administrative pour que cette décision soit revue mais sans résultat.

[2] Jacques Poujol,  Protestants dans la France en guerre (1939-1945), Les Editions de Paris, 2001.

[3] Archives Cimade, siège national de la Cimade, 63 rue Clisson, Paris, 75013.

[4] Elle a participé dès le lycée aux activités de la Fédé et en 1939 préside l’une des Commissions lors de la Conférence mondiale de la jeunesse chrétienne à Amsterdam. Archiviste en 1935, elle travaille à l’Ecole de Rome dont elle est rapatriée lors de l’entrée en guerre de l’Italie en 1940.

[5] Marcel Peyrouton, ancien ministre de l’Intérieur du maréchal Pétain, Du service public à la prison commune, Plon, Paris, 1950, p.160.

[6] Anne Grymberg, Les camps de la honte, La Découverte, Paris, 1999, p.89.

[7] Les Clandestins de Dieu, Cimade, 1939-1945, Labor et Fides, 1989, page 30.

[8] Jeanne Merle d’Aubigné, Les clandestins de Dieu, Labor et Fides, Genève, 1989, p.62-63.

[9] In Actes du Colloque de Lyon, « Eglises et chrétiens dans la IIème guerre mondiale », Tome 1, La France, PUF, Paris, 1978.

[10] Marc Boegner, au nom de la Fédération protestante «  La responsabilité des Eglises » in Le Figaro, 20 décembre 1940.

[11] Elle restera secrète jusqu’à la Libération.

[12]Lettre de 1933, citée par Roger Mehl, Le pasteur Marc Boegner, une humble grandeur, Plon, Paris, 1987.

[13] Les Clandestins de Dieu, Labor et Fides, Genève, 1989, p.66.

[14] Actes du Colloque de Lyon « Eglises et chrétiens dans la seconde guerre mondiale. Tome I, la France, PUF, Paris 1978.

[15] Michel Leplay, Fédération protestante de France, www.protestants.org, août 2009.

[16] Aux origines de la Cimade, numéro spécial de Cimade Information, juillet-août 1990, p.18.

[17] idem

[18] Laurette Alexis-Monet, Les miradors de Vichy, Editions de Paris, 2001

[19] Cévennes, terre de refuge, 1940-1944, sous la direction de Philipe Joutard, Jacques Poujol et Patrick Cabanel, Les  Presses du Languedoc, 2006, p.250-253.

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Marie-France Reboul

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