I Cor 14,31-40 + 15,1 Que les femmes se taisent dans les assemblées | ||||
Traduction du Claromontanus (D.06) | TOB Vaticanus (B.03), Nestlé-Aland, … | |||
lignes | Folio 166 | Versets 14,31-40-15,1 | ||
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Vous pouvez en effet tous,
chacun à votre tour, prophétiser pour que tous soient instruits et que tous soient encouragés. Et l’esprit des prophètes est soumis aux prophètes. Car Dieu n’est pas de désordre, mais de paix. comme dans toutes les Eglises des saints.
Ou bien la parole de Dieu a-t-elle son origine en vous ? Ou bien êtes-vous les seuls chez qui elle est parvenue ? Si quelqu’un croit être prophète ou inspiré, qu’il reconnaisse que ce que je vous écris |
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Vous pouvez tous
prophétiser, mais chacun à son tour, pour que tout le monde soit instruit et encouragé. Le prophète est maître de l’esprit prophétique qui l’anime. Car Dieu n’est pas un Dieu de désordre, mais un Dieu de paix. Comme cela se fait dans toutes les Eglises des saints, que les femmes se taisent dans les assemblées : elles n’ont pas la permission de parler ; elles doivent rester soumises, comme dit aussi la Loi. Si elles désirent s’instruire sur quelque détail, qu’elles interrogent leur mari à la maison. Il n’est pas convenable qu’une femme parle dans les assemblées. La parole de Dieu a-t-elle chez vous son point de départ ? Etes-vous les seuls à l’avoir reçue ? Si quelqu’un croit être prophète ou inspiré, qu’il reconnaisse dans ce que je vous écris |
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Folio 167 (note de marge l.20 : caput XV) | ||||
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c’est [le commandement] du Seigneur.
Si quelqu’un ne le reconnaît pas, qu’il ne soit pas reconnu. Ainsi, [mes] frères, ayez pour ambition d’être prophètes et n’empêchez pas le parler en langues, mais que tout se fasse convenablement et avec ordre. Que vos femmes se taisent dans les assemblées : elles n’ont pas la permission de parler ; elles doivent rester soumises, comme dit aussi la Loi. Si elles désirent s’instruire sur quelque détail, qu’elles interrogent leur mari à la maison. Il n’est pas convenable que les femmes parlent dans les assemblées. Je vous rappelle, frères, l’évangile que j’ai reçu … |
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15,1 |
un commandement du Seigneur.
Si quelqu’un ne le reconnaît pas, c’est que Dieu ne le connaît pas. Ainsi, mes frères, ayez pour ambition d’être prophètes et n’empêchez pas qu’on parle en langues, mais que tout se fasse convenablement et avec ordre. 34 Que les femmes se taisent dans les assemblées : elles n’ont pas la permission de parler ; elles doivent rester soumises, comme dit aussi la Loi. 35 Si elles désirent s’instruire sur quelque détail, qu’elles interrogent leur mari à la maison. Il n’est pas convenable qu’une femme parle dans les assemblées. Je vous rappelle, frères, l’évangile que j’ai reçu … |
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Quand on n’aime pas Paul pour des raisons diverses on avance souvent en premier sa mysogynie en s’appuyant sur ce verset. Est-il pourtant possible d’envisager sérieusement que Paul ait pu écrire ce verset, ce commandement, cet article de discipline en quelque sorte, quand par ailleurs il a développé, sur le fondement de sa christologique, et cela nous le lui devons, un programme de vie communautaire qui envisage un renouvellement complet des relations entre les êtres humains.
À plusieurs reprises dans Romains, Galates, Colossiens, il affirme « qu’en Christ il n’y a plus ni … ni… » et il énumère toutes sortes de catégorisations sociales qui se traduisent ordinairement par des comportements racistes, machistes, l’enfermement dans des castes sociales de toutes sortes. Pour ceux qui ne voudraient pas comprendre, Paul précise dans Rom 10,12 qu’il y a bien des juifs et des grecs, comme ailleurs des hommes et des femmes mais pour ceux qui confessent que Christ est le Seigneur, c’est-à-dire pour la communauté des baptisés « en Christ », « il n’y a aucune différence » entre ces catégories. Dieu ne fait pas acception de personnes et nous sommes invités à faire de même. Ce n’est pas la loi romaine, c’est une règle de vie communautaire que nous sommes invités à vivre si nous voulons être conséquents avec notre baptême. D’ailleurs – I Cor 11,5 – Paul évoque les femmes qui prophétisent dans l’Église, au même titre que les hommes.
Pastorelli propose que le contenu des versets numérotés aujourd’hui 14,34-35 est au départ une note en marge du texte ajoutée par un membre d’une communauté montaniste de Cappadoce marquée par l’encratisme, au II° siècle. Nous n’avons plus aujourd’hui le manuscrit en question et nous lisons dans l’ensemble des langues modernes dans les éditions catholiques, protestantes et œcuméniques les deux versets comme vv. 34-35, à cette place, sans qu’ils soient mis en question. La TOB note que certains manuscrits placent ces versets après le verset 40 sans expliquer pourquoi. La curiosité veut au moins que l’on essaie de comprendre pourquoi cette variante. Et le plus simple est de lire en synopse le texte de deux manuscrits qui placent, l’un, les vv. 34-35 à leur place actuelle, le Vaticanus/B.03 (folio 240, colonne 1, lignes 19/20 à colonne 2 lignes 4/5) qu’on retrouve en gros dans le Nouveau Testament grec de Nestlé-Aland et toutes nos traductions modernes (sauf celles du monde évangélique qui ont tendance à retourner au « texte reçu » d’Erasme, qu’utilisent les Réformateurs pour leurs traductions, le texte byzantin. Pour ces vv. il a le même ordre que le Vaticanus), et le Claromontanus/D.06, folios 166 lignes 5 à 21 et 167 lignes 1 à 20.
Le texte français ci-dessus tient compte des lignes du D.06 et aligne le texte du B.03 sur elles. On remarque, sans entrer dans le contenu, seulement pour la mise en page et la forme du texte :
Pour le Claromontanus/D.06 : trois lettres en retrait du texte et en plus gros caractères aux lignes 4, 10 et 20 du folio 167 du D.06.
– ligne 4 : début de conclusion d’un développement ;
– ligne 10 : début de développement
– ligne 20 : encore un début de développement noté d’ailleurs en marge comme « caput XV » par une main tardive.
Pour le Vaticanus/B.03 :
– un tiret ( __ ) entre les vv. 33 et 34
– un tréma ( ¨ ) entre les vv. 14,40 et 15,1.
L’apparat critique de Nestlé-Aland 28ème ed. dit que le Claromontanus et d’autres manuscrits « placent » les vv. 34-35 « après » le v. 40 et au v. 40 qu’ils « ajoutent » là les vv. 34-35.
Swanson qui a fait un énorme travail de recension et de mise en parallèle des manuscrits grecs des livres du Nouveau Testament note pour sa part le tréma après 14,33 pour le Vaticanus. Il donne ensuite une indication précieuse par son contenu mais mal interprétée du point de vue de ce qui s’est passé : « Le Claromontanus et trois autres manuscrits dit-il, ont un premier tiret avant ‘que les femmes se taisent’ et un second avant ‘Je vous rappelle, frères’ ». Il continue « Ce qui indique que le scribe était conscient du déplacement des vv. 34-35 après le v. 40 ».
Christian Amphoux, comme les spécialistes de ces questions, pense que l’inclusion des notes de marge dans le corps du texte se faisait normalement à la fin d’un paragraphe. La place naturelle de l’inclusion est bien à la fin de ce qui va devenir le chapitre 14.
La lecture du contenu du Claromontanus nous le confirmera. Les lignes 13-14 du folio 166, « comme dans toutes les Églises des saints » arrivent après une brève incise, l.11-12 « car Dieu n’est pas de désordre mais de paix » comme une conclusion des l. 5 à 9 : le fait de prophétiser en bon ordre. Puis vient une réprimande, l. 15 à 21 + 1à 3 du folio 167. Et pour terminer, la conclusion du développement qui justifie une première lettre plus grande et en retrait : un encouragement à pratiquer la prophétie convenablement. Fin du développement.
Est alors incluse dans le texte la note de marge avec deuxième début en retrait de la page avant d’arriver à ce qui deviendra le chapitre 15 qui traite de la résurrection avec le troisième retrait.
Swanson ne prend pas en compte les traductions, en particulier celles qui nous intéressent maintenant, les Vieilles latines. Christian Amphoux, pour un travail sur l’évangile selon Marc, reprend les conclusions de deux chercheurs sur les trémas dans les marges du Vaticanus : ils marquent les accords entre le texte du Vaticanus (340) et celui de la Vulgate de Jérôme (382-384) contre le texte des Vieilles Latines en particulier les plus anciennes, les africaines qui, elles, sont les plus proches du texte occidental du Codex de Bèze : dans ce cas cela indique un accord entre la Vieille latine et le texte grec occidental, témoin : le D.06. Je n’ai pas pu trouver de témoin de la Vieille latine mais le principe de ces correspondances est établi.
On peut penser qu’un copiste a pris sur lui de transférer la glose de marge déjà inscrite dans le texte après le v. 40 (témoin : D.06) après le v. 33 pour mieux masquer son incorporation dans le texte. Il transforme alors la conclusion « comme dans toutes les Eglises des saints » (l.13-14) des lignes 5 à 9 en introduction à la glose qui devient les v. 34-35 (témoin : le B.03 et ses tiret et tréma). Pour suivre la chronologie les apparats critiques devraient donc dire que tel ou tel manuscrit déplace le contenu des v.34-35 actuels de leur place originelle, après le v. 40, vers leur place actuelle, entre ce qui est devenu les v. 33 et 36.
Olivier Roux
Pasteur retraité
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