Les pastorales Montpellier

Pastorale de Montpellier : Rencontre avec Guilhen Antier – 21 novembre 2017

Merci à Guilhen Antier, professeur de dogmatique à l’IPT-Montpellier, venu rencontrer notre pastorale pour nous présenter un des thèmes de travail qu’il avait abordé dans un article sur le rapport entre la frontière, la fraternité et la guerre, paru dans la revue d’Ethique et de théologie morale – 2017, n° 14. La situation d’affrontement impliquée dans la notion de frontière rencontre celle de fraternité toujours hantée par le spectre du fratricide. Cette rencontre a lieu autour de la question de la guerre, dont le terrorisme.

Pour Freud, dans « le malaise dans la culture », le processus civilisationnel repose à la fois sur l’amour et la haine. Fonder une communauté fraternelle rend nécessaire de tracer une frontière entre un dedans et un dehors, entre du frère et du non-frère. Pour Freud, toute société a besoin d’ennemis et donc de haine pour être unificatrice. De même que toute « religion, même si elle s’appelle la religion d’amour, a besoin d’être dure et sans amour envers ceux qui ne lui appartiennent pas. »
La parole et l’échange symbolique sont-ils les remèdes pour calmer la non-fraternité ? Reconnaître la différence n’empêche pas de voir que l’autre aussi a des points communs avec nous. L’exposition à la parole permet ainsi un déplacement de la guerre civile à la guerre civilisée. Cette idée de guerre civilisée correspond bien à l’expression de Paul Ricoeur de « conflit herméneutique ». La violence potentielle peut être apaisée par le dialogue. Il est en effet possible d’assumer la violence en ne lui laissant pas le dernier mot.
Dans le dialogue islamo-chrétien par exemple, quel exutoire trouver dans l’opposition liée au mécanisme identitaire ? Quel espace symbolique de la parole partagée ?
Dans le marché économique mondial, quel universalisme promouvoir ? Quels types de frontières qui permettraient d’être soi sans confusion ?
Dans la guerre contre le terrorisme, comment développer le dialogue ? Les arabo- musulmans sont ceux qui nous posent le plus de problèmes. Or ils ne nous sont pas si étrangers que cela. Comme les occidentaux, ils sont monothéistes, rationalistes, théoriciens du politique. Ils sont notre miroir, et c’est à ce titre qu’ils sont pour nous objet à la fois de fascination, de crainte et de haine. On ne hait pas un pur étranger avec qui l’on n’a rien en commun : on ne hait que son frère. Les terroristes issus d’Europe tuent leurs compatriotes. Ils sont guidés par la haine de soi autant que par la haine des autres. Ils tuent en se tuant. La ligne ne sépare plus l’ami de l’ennemi. Il s’agit d’un mur citoyen. « Sera-t-il l’occasion de tracer ensemble une frontière où nous pourrons nous accueillir mutuellement, ou est-il condamné à être une ligne de front, théâtre d’affrontements aussi fratricides que suicidaires ? »

À propos de l'auteur

Denis Rafinesque

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