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Les Églises d’Occident sont-elles encore en communion avec les chrétiens de Palestine ?

Lettre ouverte de Kairos mondial pour la justice – section Europe aux Églises d’Occident – Décembre 2023

Les chrétiens et les théologiens palestiniens se demandent si les Églises d’Occident sont encore en communion avec eux. Dans la situation qu’ils connaissent actuellement, après la violation brutale du droit international par les Brigades Kassam, organe militaire du mouvement de résistance Hamas, et alors qu’Israël est potentiellement en train de commettre un génocide à Gaza et y commet sans aucun doute des crimes de guerre selon la définition qu’en donne le droit international, il y a des Églises qui continuent à garder le silence. Elles suivent des gouvernements qui refusent de même demander un cessez-le-feu. Après cette guerre, il n’y aura sans doute plus ni chrétiens ni églises à Gaza.

Cela soulève de sérieuses questions d’ecclésiologie. En juillet 2020, Kairos Palestine et son réseau international Global Kairos for Justice (GKJ – Kairos mondial pour la justice) avaient publié Un Cri pour de l’espoir. Ce document appelait « tous les chrétiens et Églises, aux niveaux paroissial, confessionnel, national et œcuménique, à initier un processus d’étude, de réflexion et de confession de la foi sur la privation historique et systémique du peuple palestinien de ses droits, et sur l’utilisation par beaucoup de la Bible pour justifier et soutenir une telle oppression ». Il poursuivait : « Nous appelons les Églises à réfléchir à la manière dont leurs propres traditions expriment le devoir sacré de maintenir l’intégrité de l’Église et de la foi chrétienne par rapport à cette question. Nous ne pouvons servir Dieu et, en même temps, taire l’oppression des Palestiniens ».

Plusieurs Églises ont répondu à cette interpellation par des confessions et des prises de position impressionnantes. Mais la majorité des Églises européennes n’a pas réalisé la gravité de cet appel qui se réfère à l’histoire de l’Église confessante sous le régime nazi en Allemagne et à la déclaration d’un status confessionis face au régime d’apartheid en Afrique du Sud.

La situation actuelle est plus désespérée encore qu’au moment de la publication d’Un cri pour de l’espoir, car les Palestiniens sont confrontés à la possibilité d’une expulsion forcée définitive hors de Gaza et à un effondrement de l’État de droit en Cisjordanie et à Jérusalem- Est. C’est pourquoi nous nous invitons nous-mêmes ainsi que les Églises européennes à faire le point et à examiner nos actions. Selon Bonhoeffer (Zur Frage der Kirchengemeinschaft. DBW XIV. (1936), S. 655-680), les Églises peuvent se comporter de trois manières dans des situations comme celle que connaît la Palestine actuellement :

  1. comme Église véritable, elles confessent le Christ en dépit de toutes les conséquences dangereuses que cela peut impliquer (Jésus lui-même a été exécuté par les puissances de son époque).
  2. comme Église errante, elles essaient de ne pas froisser les puissances en place et évitent de prendre une position claire.
  3. comme Église fausse, elles sont complices des puissances qui persécutent l’Église.

Dans le cas d’une l’Église errante, il importe d’intensifier les échanges avec elle pour la faire redevenir une Eglise véritable qui ose affirmer ses convictions. Dans la situation actuelle où Israël risque de commettre un génocide à Gaza et d’y faire disparaître l’Église chrétienne, les Églises qui se rangent du côté d’Israël et gardent le silence sans rejeter clairement et publiquement les actions d’Israël doivent se demander si elles ne sont pas complices, comme des Églises fausses. La crise qui se joue actuellement à Gaza est la dernière conséquence du projet de colonisation de peuplement qu’Israël met en œuvre depuis longtemps, à travers lequel cet État cherche à prendre la place de la population indigène et s’est érigé pour y parvenir en un État d’apartheid, comme nous le disent les organisations de défense des droits humains et les Nations unies.

C’est pourquoi les Églises d’Occident et leurs dirigeants devraient envoyer immédiatement un signe de solidarité à nos frères et sœurs palestiniens afin de confesser le Christ dans cette situation et d’être en communion avec eux. Le défi le plus immédiat est d’appeler à un cessez- le-feu et d’empêcher, d’arrêter immédiatement le génocide. Agir en tant qu’Église véritable dans une telle situation consiste à reconnaître soixante-quinze années d’injustice envers le peuple palestinien et à se repentir de ses propres manquements de chrétiens pour avoir soutenu et permis que cette injustice se poursuive et même s’aggrave aujourd’hui d’une manière jamais vue auparavant. Nous voulons déclarer notre engagement à être solidaires aujourd’hui avec le peuple palestinien jusqu’à ce que la justice, la liberté et la sécurité soient obtenues ensemble avec la population juive d’Israël. Car ce n’est qu’ensemble que ces deux peuples auront un avenir.

Kairos mondial pour la justice – Europe Décembre 2023

À propos de l'auteur

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Alain Rey

Directeur de la publication Hier & Aujourd'hui
Pasteur de l'EPUdF
Études à Montpellier, Berkeley et Genève
Pasteur à Fleury-Mérogis, Mende, au Defap et à la Cevaa

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