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Laure Adler : La Voyageuse de nuit

Pourquoi un tel titre pour parler de la vieillesse ? Est-ce un voyage que de vieillir ou plutôt une descente en enfer ? Comment cheminer avec le temps ? Affronter, surmonter, traverser le mourir à soi-même et aux autres ? Laure Adler, avec beaucoup de délicatesse, de sensibilité, de tendresse, nous fait voyager au « pays de la vieillesse » : un voyage littéraire, culturel, philosophique, poétique, social et même politique.

Dans I’ Antiquité et dans certaines sociétés non occidentales, l’âge était un privilège, une chance, une vénération. Et plus l’on était vieux et plus l’on était considéré, respecté, écouté, entouré. On bénéficiait d’un surplus de connaissance, d’une segmentation d’expérience : « la sagesse des anciens ». Aujourd’hui, l’on en parle à demi-mot. On évite de l’affronter. Elle fait peur. Est-ce par pudeur mais on la cache. « Vieillir » ou « Les vieux » chantait Jacques Brel, qui comme la pendule égrènent le temps, le temps qui passe et qui passe si vite.

Avec les progrès de la médecine, l’on vit de plus en plus vieux. Et les mots sont révélateurs. On parle des « vieux », des « seniors », des personnes âgées. Hier on parlait du 3ème, puis du 4ème âge. Aujourd’hui c’est du 5ème que l’on met de côté, à la périphérie de nos villes, de nos vies. Ceux que l’on parque, les vulnérables, les passifs, les non-rentables, même plus, ceux qui coûtent cher, de plus en plus cher. Et les « actifs » ne seront-ils plus assez nombreux pour supporter une telle charge ?

Oui, Ils sont et seront de plus en plus nombreux et n’en sont pas moins des citoyens. Alors comment les réintégrer dans la vie sociale ? Ceux qu’on a écartés, éloignés, comment leur redonner une vraie place ? Vieux ils le sont peut-être, tout est relatif. En tout cas, les vieux d’aujourd’hui et de demain, sont moins vieux que ceux d’autre fois. On vieillit de mieux en mieux et toujours plus en bonne santé (hygiène de vie, alimentation, pratique du sport, médicaments, bien ménager sa monture, etc.). Hier on parlait de la vieillesse comme d’une dernière tranche de vie qu’il fallait supporter, affronter, avec ses moments ou ses étapes plus ou moins difficiles, maladie, faiblesse, quelque chose qui manque (perte de mémoire, de mobilité, d’appétit). Aujourd’hui, on veut rattraper le temps, prendre le temps, profiter au maximum de ce temps qui nous est offert, comme un cadeau. Alors oui, et si la vieillesse devenait, était un des plus bel-âges de la vie où les « possibles » éclairent encore notre route, la sérénité d’être soi, d’être vrai. Certes l’on se veut, l’on se voit tel qu’on est avec nos vulnérabilités, nos faiblesses, nos manquements, mais avec nos désirs et nos soifs de vivre, encore et toujours d’aimer et d’être aimés.

50 ans après Simone de Beauvoir, avec son livre « la vieillesse », Laure Adler reprend à son compte le combat : redonner de la dignité, une juste reconnaissance, une véritable place à la vieillesse et surtout à celle des femmes dans notre société.

Pierre Zentz

Laure Adler, La voyageuse de nuit, Livre de poche, 7,40 €, 240 p.

À propos de l'auteur

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Alain Rey

Directeur de la publication Hier & Aujourd'hui
Pasteur de l'EPUdF
Études à Montpellier, Berkeley et Genève
Pasteur à Fleury-Mérogis, Mende, au Defap et à la Cevaa

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