Le charme modeste d’un frère collègue
Quand on a le privilège d’avoir eu Roland Revet comme collègue pendant six ans, on ne peut s’empêcher d’en témoigner avec reconnaissance, alors que le 22 octobre 2020, il a quitté ce monde sur la pointe des pieds, comme il a marché durant toute sa vie, aux côtés d’Alice, la fille du pasteur Pierre Bourguet. Charme et modestie, telles étaient les deux qualités de Roland que j’ai appréciées au cours de notre proche collaboration de 1979 à 1985 au sein du service animation du Défap.
Charme de son intellect d’abord : professeur d’allemand à l’origine, devenu pasteur, mais dont le polyglotisme a nourri de nombreux travaux. En 1962, il est le premier traducteur en français du Nachfolgede Dietrich Boenhoeffer (Le prix de la grâce ou La vie de disciple). De 1982 à 1989 il préside le Département Coopération et Témoignage de l’Alliance Réformée Mondiale au nom du protestantisme français. Évidemment, il faut parler l’anglais pour siéger dans une telle institution ! Fasciné par l’Asie, il nous a fait découvrir le Japon et surtout la Corée du Sud, pays dans lequel il s’est rendu deux fois, et a traduit en français pour la première fois les travaux des théologiens du Minjung (le peuple opprimé). Quant au versant modestie de sa personnalité en voici un exemple : en introduisant une magistrale conférence à un colloque du Crédic en 1987 où je l’avais invité sur le thème « Les Missions protestantes en Corée », il déclarait n’avoir « aucune des qualifications me permettant normalement d’être parmi vous ». Mais ces qualités se mariaient sans difficulté avec une fermeté dans les idées et un humour quelquefois piquant. Au Défap, comme rédacteur du Journal des Missions Évangéliques, seul en mesure de prendre la suite de Maurice Pont car il était tout aussi exigeant que lui sur la qualité de l’écriture, il a su ferrailler avec les partisans de « l’aide directe » qu’il dénonçait comme « injuste, dangereuse, humiliante et insuffisante » dans un texte de 1984 « signé Défap » mais dont j’atteste qu’il est de sa main.
Quant à l’humour, il avait le secret des histoires drôles mais qui témoignaient quelquefois de risques pris dans ses prédications (on peut en lire plusieurs sur internet). Il me racontait qu’à la suite d’une prédication à Marsillargues où il avait dû parler de manière peu amène des pratiques de la picole, il avait, le lundi matin, retrouvé des bouteilles (vides !) de vin embrochées sur tous les pics des grilles du temple… Celui qui aurait pu enseigner la théologie comme il avait enseigné l’allemand dans sa jeunesse, est demeuré un pasteur à la base, malgré deux ministères internationaux : Vabre (Tarn) de 1963 à 1970, direction du CART à Sommières (Gard) de 1970 à 1974), Marsillargues (Gard) de 1974 à 1979, secrétaire exécutif chargé de l’animation missionnaire dans les Églises locales au Défap de 1979 à 1985, Charenton-le-Pont (Val de Marne) de 1985 à 1990, secrétaire chargé de l’échange des personnes à la Cevaa de 1990 à 1995. Retraite à Rosières-sur-Mance (Haute-Saône) de 1995 à 2014. Ah, oui, il avait des origines franc-comtoises comme moi, sans doute un autre élément de notre connivence ! Mais c’est à Bordeaux qu’avec Alice, il a poursuivi sa retraite de 2014 à 2020. Je pense à elle et à ses enfants, Nicolas, Jean-Noël, Thierry, Sandrine, qui habitaient en dessous de chez nous au Défap. Les Revet ont eu douze petits enfants et huit arrières-petits-enfants.
Jean-François Zorn
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