Culture Littérature

La Nouvelle-Calédonie à la croisée des chemins…

Hier et aujourd’hui, février 2018

Des liens tissés par l’histoire

Rocard et Stewart, Leenhardt, … les noms riment, ils scandent l’histoire récente de la Nouvelle-Calédonie et ses liens avec le protestantisme français. Trois personnalités, parmi beaucoup d’autres, qui, issues du sérail protestant français, ont aimé la Nouvelle-Calédonie et partagé son histoire.

Michel Rocard… « lui au moins il nous avait compris ! ». Indépendantiste et non indépendantiste, chacun s’accorde, dans un bel unanimisme, à lui reconnaître une place éminente dans le processus de paix mis en place en 1988. Et chacun de dire… « c’est le protestant surtout, fin politique certes, mais d’abord homme de conviction, qui a su frayer un chemin à l’apaisement après la tragédie d’Ouvéa ». Une tragédie qui, selon les mots mêmes de Rocard, manifestait « la vieille tendance autoritaire et coloniale française ». Premier ministre, il a mis en place « la mission de dialogue » afin de restaurer une parole entre les différentes communautés calédoniennes. Et il a demandé à Jacques Stewart d’en être membre.

Maurice Leenhardt a fondé, en 1903, la station missionnaire Do Néva. Un pari sur l’avenir car c’était la première école destinée aux Kanak, alors même que beaucoup pensaient, à l’époque, que ce peuple était en voie d’extinction. Maurice Leenhardt voulait promouvoir l’unité kanak par la langue et l’éducation. Et il aura protégé les Kanak de la disparition en faisant interdire l’alcool chez les membres de l’Eglise protestante.

Le passé montre que le protestantisme français a une place, dans les « ombres » et « lumières » de l’histoire de la Nouvelle-Calédonie avec la France : « des hommes et des femmes sont venus en grand nombre aux XIXème et XXème siècles… parmi eux notamment, des hommes de culture, des prêtres et des pasteurs, ont porté sur le peuple d’origine un regard différent, marqué par une plus grande compréhension ou une réelle compassion » (Préambule de l’Accord de Nouméa, 1998).

Les enjeux du référendum

Maintenant, tout va se jouer autour du référendum d’auto-détermination prévu à l’automne 2018 : « destin commun », « pleine souveraineté », « lien avec la France », « place particulière du peuple kanak »… tout est en question dans ce vote. Dans cette île de 270 000 habitants, les Kanak sont aujourd’hui moins de la moitié (105 000 personnes), les Européens 73000, les Wallisiens 22 000…

Il s’agit donc pour la Nouvelle-Calédonie de poser les bases d’une citoyenneté permettant aux Kanak, peuple d’origine, de constituer avec les hommes et les femmes qui y vivent une communauté humaine affirmant son « destin commun ».

Il s’agit pour la France de réussir son dernier acte de décolonisation. Dernier acte qui pourrait ne pas rimer avec pleine indépendance pour le territoire anciennement colonisé.

Sans rien abandonner, disait Michel Rocard en parlant de Jean-Marie Tjibaou et de Jacques Lafleur, ils ont su donner et pardonner. Là est l’enjeu, du côté calédonien. Du côté français, c’est de confiance qu’il s’agit. De confiance entre les Kanak et la France. Depuis les Accords de Matignon en 1988, puis de Nouméa en 1998, la France a tenu parole. Elle a reconnu les souffrances vécues par les Kanak, elle a aussi promu le développement et le rééquilibrage territorial. Mais il lui faut continuer à être ce qu’elle est devenue il y a trente ans: le garant du respect des engagements.

La place de l’Eglise protestante

Parce que l’histoire douloureuse est toujours présente, parce que les tensions communautaires sont vives il s’agit de construire un avenir nouveau pour la Nouvelle-Calédonie. Dans la lignée de la poignée de mains entre Tjibaou et Lafleur.

L’Eglise protestante de Kanaky Nouvelle-Calédonie (EPKNC) a devant elle un champ de mission : par l’éducation populaire, la prédication ouverte, l’animation auprès de la jeunesse elle peut prendre une part à cette construction. Les Eglises sont attendues. De longue date (1979), l’Eglise protestante s’est prononcée pour l’émancipation du peuple kanak, puis en 2013 pour la construction d’une nation plurielle où chacun peut et doit trouver sa place quelles que soient ses origines ethniques, ses convictions religieuses et politiques.

A l’occasion du référendum de 2018, plutôt que donner une consigne de vote, elle exprime publiquement les valeurs chrétiennes qu’elle promeut, la dignité de l’homme, le respect de la mémoire meurtrie, le pardon incontournable. Les valeurs qui font aujourd’hui partie de l’identité calédonienne. Comme les valeurs de la République et les valeurs kanak.

L’Eglise protestante est portée aujourd’hui par le thème Concitoyens d’un pays nouveau (Ephésiens 2.19). Elle souhaite encourager ses fidèles et la population de Nouvelle-Calédonie à préparer et à vivre la période référendaire qui s’ouvre dans la responsabilité, le respect mutuel et dans la paix. Cette période est attendue par certains, redoutée par d’autres… L’Eglise protestante encourage chaque citoyen, jeune, vieux, homme et femme, à engager une démarche porteuse d’espérance… Cette préparation à la consultation engage le peuple de Dieu à être responsable, digne et ouvert pour que le choix soit un acte de construction quel qu’en soit le résultat.

Bertrand Vergniol 9 février 2018 2

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