Carnet Communauté

Va dire que je te précède en Galilée…

D’autres diront ce que fut le ministère multiple de Martine Millet. Je veux seulement en laisser résonner quelques échos.

Habitant Bâle pendant sa jeunesse, elle fut sensibilisée très tôt à la théologie par Richard Stauffer, alors pasteur de l’Église française. Il lui arriva même, jeune adolescente, d’accompagner Karl Barth dans une de ses promenades sur la Bruderholzallee.

Grenoble, la vie familiale, le mouvement Jeunes Femmes (il fut ma libération) avant Versailles, et des études de théologie qu’elle entreprend plus tard lors des premières années de l’IPT.

Pasteure, beaucoup l’ont rencontrée dans les diverses activités qui furent les siennes, et l’ont connue chaleureuse, énergique, passionnée. Débats du Centre Huit. La Martine des bons moments et des fous rires.. Débordante d’initiatives et de créativité.

Conteuse née, elle crée un réseau : « La Bible n’est pas un conte, mais elle se raconte ».Elle suscite des formations. Et voilà le conte biblique appelé à un essor inattendu.[1]

Responsable de la coordination Édifier-former, c’est elle la première qui a l’idée d’utiliser internet pour élaborer un outil de formation théologique cherchant un langage original ni paroissial ni universitaire, afin d’intéresser à la théologie un public nouveau, absent de nos chapelles, et ce sera Théovie.

Son ouverture d’esprit et ses compétences linguistiques lui valent de s’impliquer dans les relations internationales, notamment avec l’Église protestante de Rhénanie (EKIR) qui lui décernera un prix en reconnaissance de sa contribution aux liens franco-allemands.

Elle fut de cette génération de pasteures qui eurent à briser les préjugés et affronter le sexisme de l’institution pour que leur place soit pleinement reconnue. « J’ai une chance folle, disait-elle, je suis la première femme partout avec Claudette Marquet ». Avec l’humour qui était le sien, elle organisa un colloque mémorable en 1994 sous le titre éloquent : Hommes et femmes, tous frères. Et elle eut l’occasion d’intervenir sur le pastorat féminin dans le séminaire de Jean Delumeau au Collège de France.[2]

À la retraite, elle s’offrit volontaire pour passer 3 mois en Palestine dans le programme EAPPI du Conseil Œcuménique, présente à 3h. du matin sur les check points pour observer les vexations subies par les palestiniens. Elle ne cessa plus dès lors de militer pour leurs droits avec la capacité d’indignation qui était la sienne.

Martine avait des dons de communication. Jamais je ne l’ai ressenti autant qu’un jour à Hébron où nous étions ensemble plusieurs, accueillis à l’improviste dans une maison arabe, où nous avions passé la nuit par terre. Surgit soudain la vieille grand-mère : sans pouvoir échanger un seul mot avec elle, en quelques instants, par son ingéniosité Martine noua des liens avec elle.

Martine toujours en route. Ma devise, disait-elle, un jour : Va dire que je te précède en Galilée…

Gérard Delteil

[1]Cf. Martine Millet : L’art de conter la Bible. Une approche pratique. Empreinte temps présent, 2013

[2]Le ministère des femmes dans le protestantisme français, in Jean Delumeau (dir.) : La religion de ma mère, le rôle des femmes dans la transmission de la foi. Cerf, 1992.

À propos de l'auteur

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Alain Rey

Directeur de la publication Hier & Aujourd'hui
Pasteur de l'EPUdF
Études à Montpellier, Berkeley et Genève
Pasteur à Fleury-Mérogis, Mende, au Defap et à la Cevaa

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