Thérèse Glardon
CET AMOUR QUI NOUS GRANDIT
Dialogues avec le Bien-Aimé dans le Cantique des cantiques
Labor et Fides (Petite bibliothèque de spiritualité), 2020, 249 p. 18 €
La parution d’un nouvel ouvrage sur le Cantique des cantiques excite toujours la curiosité : quelle sera la thèse du commentateur ? Un chant célébrant l’amour humain, de manière profane, et donc peu à sa place de prime abord dans le canon de l’Ancien Testament ? Une ode mystique à l’amour divin, plus en phase avec les Écritures saintes ? L’ouvrage de Thérèse Glardon-Lemire réunit les deux hypothèses en les dépassant, pour proposer une découverte originale selon une interprétation allégorique ecclésiale et mystique. Professeur d’hébreu, formatrice d’adultes, animatrice de groupes et de retraites alliant exégèse, existence et spiritualité, Th. Glardon-Lemire signe un second volume dans la Petite bibliothèque de spiritualité, nourri de son engagement spirituel, dans la veine de Ces crises qui nous font renaître, paru en 2009.
L’auteure propose une traduction personnelle, recherchant des vocables correspondant aux champs sémantiques hébreux et grecs mais exprimés dans un registre existentiel actuel. Elle reconnaît dans le poème une structure composée de 13 mouvements : un prélude, 10 chants et deux poèmes finaux (le postlude et les énigmes finales) ; au sein de chacun des mouvements elle insère des sous-titres détaillant le cheminement de l’itinéraire d’amour. La progression de l’intrigue amoureuse est repérée grâce à une analyse du texte hébreu, profonde sans être pédante, sensible à toutes les finesses et les particularités de la langue, ce qui fait l’une des qualités de ce nouveau commentaire et aiguise la curiosité du lecteur. Graphiquement, chaque terme analysé et commenté est imprimé en gras, de manière à pointer les moments importants, les trouvailles, les articulations de la méditation véhiculée par le Cantique.
Le Cantique est remis dans son contexte historique et éclairé par les commentateurs anciens (entre autres : Ambroise de Milan, Augustin, Chrysostome, Grégoire de Nysse ; puis Maître Eckhart, Saint Jean de la Croix et les mystiques juifs) et modernes (entre autres : B. Arminjon, A. Chouraqui, D. Lys). Il faut noter que l’auteur intègre de manière si subtile et naturelle les apports de ses nombreuses lectures que nous sommes en présence d’un véritable dialogue avec la tradition exégétique et mystique, ce qui confère une richesse particulière à ce travail. Et le dialogue se poursuit avec le lecteur ainsi invité à entrer de cette manière en contact avec l’auteur du poème (Salomon, un sage, un mystique de l’époque post-exilique ?), avec les autres et finalement avec Dieu lui-même.
Nous sommes conviés, naturellement, à la redécouverte du regard divin toujours et malgré tout positif à l’égard de chaque humain et de l’humanité entière, d’un amour qui nous grandit et nous fait grandir, même au travers des aléas de la relation avec autrui (le conjoint entre autres, mais aussi Dieu). L’actualité est régulièrement convoquée, en particulier la condition féminine, les questions de solitude, le problème de la violence de nos société et le besoin d’intériorité ; l’approche de ces domaines, nourrie par la spiritualité du Cantique, forme les moments forts et originaux du commentaire.
Nul doute que chacun appréciera cet ouvrage, y trouvant de précieuses notes exégétique et théologiques, une abondante nourriture spirituelle ou… le simple plaisir d’une lecture intelligente et stylée qui fait grandir…
Laissons le mot de la fin à l’auteure, résonnant comme un sommet de la méditation : l’amour ne rend donc pas aveugle, il ouvre mon regard à l’invisible essentiel.
Un compte rendu de Daniel Bach, pour LibreSens
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