Ce texte (ci-joint sa deuxième version légèrement modifiée par rapport à la première) été envoyé le 31/10/2017 à 18 enseignants en théologie et animateurs bibliques et le 23/11/ à 17 responsables nationaux ou régionaux d’Eglises, puis autour du 11 /12/17 à 140 personnes à ma connaissance intéressées par la réflexion et la vie de l’Eglise, presque toutes protestantes. L’hebdomadaire Réforme l‘a publié le 4 janvier2018. Le mensuel Evangile et Liberté avait prévu de le publier, mais a renoncé pour ne pas faire double emploi avec la parution dans Réforme.
J’ai reçu 15 réponses d’enseignants en théologie et animateurs bibliques, 6 réponses de responsables d’Eglises, 56 autres réponses par mail ou courrier, une quinzaine d’appels téléphoniques et de réactions de vive voix. Réforme a publié deux réactions dans ses deux numéro suivants. Trois petits groupes ont débattu à propos de ce texte sans que j’en aie le résultat. A noter aussi deux initiatives de Présidents de Conseils régionaux EPUdF, antérieures à mon texte, visant stimuler le travail et la réflexion théologique des ministres.
Toutes les réponses et réactions sont approbatrices, parfois vigoureusement, et de la démarche et du texte.
Quelques réserves : Cinq correspondants pensent que le constat pessimiste devrait être nuancé : une part des étudiants en théologie a une vraie soif de débats, entre autre des étudiants à distance. Cf. aussi Théovie. Il a quelques bons prédicateurs. La recherche biblique intéresse et le rapport aux écritures est une question qui occupe et préoccupe. Le processus sur la déclaration de foi de l’EPUdf a permis de vrais débats théologiques et les débats éthiques, il est vrai majoritaires aujourd’hui, touchent des questions théologiques de fond. La presse protestante n’ignore pas la théologie fondamentale. Evangile et Liberté est cité.
Il y a trois réserves quant à la proposition de débat. Risque d’un pluralisme démobilisateur, risque de tensions et disputes dommageables. « Débat risque de devenir combats ».
Les constats sont très globalement partagés, parfois même plus sévèrement que les miens : les pasteurs ne lisent presque que de la psychologie, on se cache derrière une apparence scientificité. Il est question de la mélasse de la spiritualité, de sentimentalisme religieux, de psychologisation de la foi, de prédications indigentes. Il ya visiblement un une grosse attente non satisfaite de la prédication. Le plus souvent peu travaillée, elle n’apporte rien, ennuie les habitués et ne touche pas les nouveaux venus. Elle n’apporte rien, n’aide pas à vivre. Autre indice : la faiblesse de bien des méditations des éphémérides bibliques, souvent de simples paraphrases. La pratique d’ « animations » est à plusieurs reprises critiquée. Elle veut faire participer, mais superficiellement, et n’apporte rien. Par ailleurs les synodes sont jugés ennuyeux, sans travail théologique sérieux.
Le travail et les publications des enseignants en théologie n’est pas cité, ni en bien ni en mal. Par contre la distance entre les théologiens de métier et les prédicateurs est regrettée. Le travail des premiers n’irrigue pas la prédication. Il y a aussi un fossé qui sépare une minorité ou élite pensante (qui comprend des laïcs) et le reste de l’Eglise.
Les causes : changement de la société, plus rapide et superficielle, la fin des idéologies et grands systèmes. Peu de culture générale du débat, en tout cas du débat de fond (« on voit la crème mais pas le gâteau » !). L e monde associatif se délite et dans les églises locales on est trop pris par le raccommodage d’un tissu qui se rétrécit, pour penser fondamentalement.
D’autres propositions de sujets à débatte : l’interreligieux, péché-pardon, l’interprétation d’Israël, passé et présent, l’unicité Christ-Jésus, l’existence même de Dieu, le statut et l’usage de l’Ecriture, le protestantisme (son essence et non son image).
Que faire ? Mes proposition semblent intéressantes, même si certains doutent de l‘effet des colloques et surtout des synodes.
Quelques compléments
Les réponses reçues me font dire que c’est aussi et peut-être avant toute chose, le concept même de théologie qu’il faut éclaircir ainsi que ses objectifs prioritaires. Elle concerne toute la vie, mais doit aussi se concentrer sur l’essentiel. Et ne serait-il pas bon de faire un état de la théologie universitaire actuelle, avant d’avancer vers « tous théologiens »
Un slogan qui pourrait définir nos Eglises : Eglises du (ou de) débat(s) !
Deux exemples d’ouvrages de théologie à la fois fondamentale et accessible :
Gérard Siegwalt, Dieu est plus grand que Dieu, Le Cerf 2012.
André Birmele, l’horizon de la grâce, Olivetan 2013.
Un outil bien utile : la revue de recensions bibliques, théologiques et autres du Centre Protestant d’Etudes et de Documentation : Libre Sens. Taper « Libre Sens » sur votre moteur de recherche.
Une piste pour se lancer en théologie : le module de théovie ainsi accessible : (http://www.theovie.org/Se-former-pour-servir/Et-si-je-faisais-de-la-theologie)
Enfin deux citations : Karl Barth, Révélation, Eglise, Théologie, 3 conférences 10-12 avril 1934, Paris, Je Sers
Une Eglise sans théologie convenable doit tôt ou tard nécessairement devenir une Eglise païenne. Page 49.
La tâche de la théologie consiste à rappeler toujours à nouveau aux hommes dans l’Eglise, aux prédicateurs et aux communautés, que la vie et l’action de l’Eglise sont soumises à l’Evangile et à la Loi, qu’ici Dieu doit être écouté. Elle a donc à examiner comment ici on parle de Dieu, ce qu’ici on nomme « Dieu » et ce que l’on affirme être la volonté et l’œuvre de Dieu. Page 50.
Ceux qui ne sont ni professeurs, ni pasteurs, sont responsables, eux aussi, que la théologie de leurs pasteurs et de leurs professeurs soit une bonne théologie. Parce que la Révélation, parce que l’Eglise, dans leur essence et dans leur intention, concernent l’homme, nous dirons de la théologie aussi, avec une confiante généralité, qu’elle concerne l’homme. Et il est des époques qui en ont tellement besoin que l’on peut bien dire : la théologie est – quoique bien peu de gens puissent et veuillent s’en douter – la seule chose qui concerne l‘homme. Page 56, finale du texte.
Marie-Claire Barth, veuve de Christoph Barth, belle fille de Karl, Réforme du 4/1/2018
L’Eglise s’est repliée, elle n’a plus de message et par conséquent, il n’y a plus d’engagement. Elle est devenue le lieu où le chrétien ordinaire consomme de la spiritualité, sans responsabilité. Il nous faudrait retrouver un sens de l’engagement. Les communautés sont dirigées par des pasteurs, on néglige la responsabilité des non-théologiens qui n‘ont pas de rôle intéressant, tout au plus sont-ils des assistants.
Olivier Pigeaud
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