Nous étions au Lesotho (Afrique Australe) où notre père Ernest Baccuet était pasteur missionnaire, avec notre mère, Marguerite née Atger, quand la guerre de 1940 éclata.
A l’appel du général de Gaulle (18 juin 1940), il s’engagea immédiatement pour la France Libre, avec d’autres français vivant au Lesotho et en Afrique du Sud. Ayant 4 enfants il n’était pas mobilisable. Son ami, Henri Mabille, également pasteur missionnaire au Lesotho, père de quatre enfants aussi, s’engagea également. D’autres collègues missionnaires, durent regagner la France, laissant au Lesotho femmes et enfants, René Muller, Freddy Pithon et Georges Mabille.
Nous, les Baccuet, étions quatre enfants âgés de 7 ans à quelques mois. On appelait les épouses restant au Lesotho : « les veuves joyeuses ». Elles s’entre-aidaient beaucoup. Les enfants, inconscients de ce qui se passait, se retrouvaient souvent ensemble pour jouer. Il était très difficile d’avoir des nouvelles de la France. Le courrier marchait mal, et les lettres mettaient longtemps à venir. Nos parents s’étaient mis d’accord pour un système de code – dans leurs lettres, par lequel maman savait toujours où était papa. Et cela pendant ses 5 ans et quelques d’absence. Elle avait une grande carte où elle épinglait des petits drapeaux pour signaler l’endroit approximatif.
Papa partit en décembre 1940 de Johannesburg. Avec d’autres ils devaient conduire des ambulances données par les amis sud-africains de la France Libre, et les amener jusqu’à Brazzaville, en Afrique Equatoriale. De là, ils furent envoyés par mer, au Moyen Orient. Pendant quelque temps à la censure militaire en Syrie (pour la France Libre), papa fut ensuite nommé aumônier des FFL (Forces Françaises Libre) et rattaché à une ambulance chirurgicale qui devait desservir les lieux de combat en Syrie, Egypte, Libye, et ailleurs – pendant deux ans.
Avec ce service médical, il vécut de très près en 1942, les combats qui firent rage à El Alamein, Bir Hakeim et Tobrouk en Libye. Allemands et italiens commandés par Rommel, s’opposant aux britanniques et aux français de la France Libre. En janvier 1943 il est détaché dans « les troupes noires britanniques », comme aumônier protestant des Basotho, dont il parlait la langue. Le Lesotho était protectorat britannique à l’époque. Ayant reçu cette affectation avec joie, il se plaisait à dire qu’il était un français déguisé en officier britannique ! A ce titre il devait sillonner pendant trois ans (1943 à 1946) avec les troupes Basotho (qui n’étaient pas des combattants, mais servaient en logistique, transports, etc) : la Libye, la Tunisie, Malte même, l’Egypte, la Palestine, la Syrie et le Liban. C’est ainsi qu’il passa ces 5 années de guerre, jusqu’en 1946, au Moyen Orient, loin des siens.
Démobilisé par les anglais à Durban (Afrique du Sud) en février 1946, avec de nombreux Basotho, il rentra enfin au Lesotho. Ce fut une immense joie de retrouver les siens, après tant d’années de séparation. Nous les enfants, nous étions très impressionnés par ce militaire en uniforme. Les militaires gardaient leurs uniformes jusqu’au retour à leurs foyers.
Par la suite papa fut nommé président de la mission protestante au Lesotho (de la Société des Missions Evangéliques de Paris), et de l’Église. Mais il a fallu à nos parents, réfléchir pour savoir à quelle période retourner en France pour une année de repos et de conférences dans les paroisses. Pour ne pas perturber notre parcours scolaire en Afrique du Sud, nos parents décidaient d’attendre que Guy et Alain terminent la fin de leurs études secondaires, pour prendre un congé en France. Ce n’est donc qu’en 1952 que les parents, et nous les quatre enfants, prirent le bateau pour rejoindre la France. Le dernier séjour-congé en France avait été en 1938-39. Cela faisait treize années qu’ils n’étaient pas revenus en France où leurs familles les attendaient. C’est pendant cette période que la mère de papa mourait à Marseille.
Nos parents retournèrent au Lesotho en 1953, entrecoupés de deux congés. Ils prirent leur retraite en 1970, s’installant définitivement en France, rejoignant les deux filles, Eliane et Arlette, entre temps rentrées aussi en France, après études en Afrique du Sud..
Guy Baccuet
juin 2021
(Notre père a écrit ses mémoires de guerre en deux volumes (photocopiés). Déposés au Défap à Paris ; et les 2 volumes transmis aussi au professeur Muracciole à Montpellier pour des recherches historiques).
Leave a Comment