Pierre Gisel : les monothéismes

Pierre GISEL : LES MONOTHÉISMES, Judaïsme, christianisme, islam – Éditions Labor et Fides, collection Classiques – 2° édition refondue – Genève (CH) – août 2024, © 2024² [2006] – ISBN : 978-2-8309-1858-8 – 304 pages (210 x 119 x 21 mm) – 16,00 €

L’environnement social et humain contemporain rend nécessaire une connaissance objective du phénomène religieux, notamment dans nos sociétés occidentales. Les trois religions monothéistes (judaïsme, christianisme et islam), en sont les éléments majeurs dont les relations sont menacées par ignorances, préjugés et peurs. Notamment, les croyants ont besoin d’une connaissance mutuelle pour dialoguer utilement et dépasser les stéréotypes entraînant blocages et intolérances. L’ouvrage de Pierre Gisel nous offre une approche des trois religions comme autant de façons dont notre monde occidental a répondu au besoin de donner sens à l’expérience de la vie, de se comprendre soi-même, comme à la relation avec le monde et avec autrui. Neuf chapitres invitent à un parcours à travers les trois traditions religieuses soulignant à la fois leur parenté et leurs différences fondamentales.

Un seul Dieu, mais trois relations très différentes, à la fois dans la manière dont il se fait connaître à ses créatures humaines, et dans la façon dont celles-ci entrent en relation avec le créateur. Toutes sont des religions du « Livre », mais il ne s’agit pas du même Livre, même pour le judaïsme et le christianisme, et si le Coran a de nombreuses références bibliques, elles y prennent de nouvelles significations. Pour les trois, il y a un « après le Livre », des traditions interprétatives, rituelles, juridiques, dogmatiques, à des degrés divers chez les unes ou les autres ; et suivant les époques ou les lieux. – Trois ritualités différentes, ainsi que trois développements mystiques, divers chez chacune.

Les trois religions sont diverses dans leur rapport au temps, ainsi que quant à sa finalité (leurs eschatologies). Différentes aussi dans leur rapport au monde (leurs compréhensions de la communauté humaine, et leurs missions). – Elles doivent toutes affronter la modernité avec la même question du rapport entre foi et raison, dans nos sociétés occidentales, et au-delà. Notamment, sur le point, crucial pour chacune, de l’image et de la place de la femme en leur sein.

Finalement, leurs particularités éclatent sur la question du rapport à Dieu de l’être humain. Le judaïsme se caractérise par la référence à une élection ; le christianisme par son universalisme en référence à une nouvelle création (régénérée) ; l’islam par sa référence à l’unicité d’Allah le miséricordieux, avec un régime de lois universelles et simples.

La connaissance des trois monothéismes révèle des questions et enjeux humains et sociaux dans chacune des traditions religieuses. À cet égard, chacune connaît le double phénomène de courants libéraux ou radicaux que l’on ne peut ignorer. La diversité des réponses à ces enjeux est d’un grand intérêt ; elle est à organiser ; et il ne faut pas négliger, dans chacune de ces traditions, une “force de la singularité” avec ses pièges d’une authenticité ou d’une fidélité pour elle-même. Dans l’étude de ces monothéismes, il convient de savoir “à la fois ce dont on hérite et selon quelles histoires contrastées on en hérite”.

Ouvrage de formation, incontournable à bien des égards ; très précis et minutieux, avec d’abondantes références qui le font se rapprocher du style d’une encyclopédie en la matière. Il témoigne d’une longue expérience de l’auteur dans le dialogue interreligieux, permettant de présenter « de l’intérieur » chacun de ces monothéismes. Toute personne en quête de relations interreligieuses y recourra avec bénéfice ; à condition de vouloir se former, et d’en prendre le temps nécessaire. On peut entrer dans ce livre de plusieurs façons. Soit en le lisant pas à pas du début à la fin, soit en lisant le chapitre correspondant à tel ou tel sujet. Une table analytique (rare dans un livre), en plus de la table des matières, donne un aperçu de chacun des 156 paragraphes répartis dans les 9 chapitres.

Gilbert Charbonnier