Les pastorales Nîmes

Pastorale des retraités – Nîmes, le 13 octobre 2021  

Olivier Abel :
Place de la théologie dans la société contemporaine et dans l’Église

Lors de la dernière pastorale des retraités à Nîmes, Olivier Abel nous entretint de la place de la théologie dans la société contemporaine et dans l’Église. Il commença à préciser le lien qu’il fait entre le travail de philosophe qu’il est de formation, et celui de théologien qui enseigne l’éthique à l’IPT de Montpellier. Un équilibre fragile mais essentiel pour l’Église, dit-il.

Son propos s’articulait en trois points : le rapport entre philosophie et théologie ? Comment la société la perçoit-elle? Et l’Église?

Philosophie et théologie

– Le théologien pur fait volontiers  de la recherche  « scientifique » sur un point précis, un petit secteur ; mais ensuite il a besoin d’un travail critique, une synthèse : qu’est ce qu’on a à dire ? et là, c’est le travail du philosophe.

– Le théologien contribue au langage de la communauté, le fixe, pour rassembler la communauté, pour aider au partage ; quand le langage se défait, se déconstruit la théologie doit accompagner ce langage et faire le lien entre inquiétude et confiance face à ce qui se prépare dans la société. C’est aussi  ce que font les pasteurs…

– Au départ, chez Platon, philosophie et théologie étaient liées ; l’Eglise ne l’a que très lentement intégré, au moment d’ailleurs où elle commence à diverger de la philosophie. La traduction du texte biblique dans toutes les langues a participé de cette rupture : chacun peut lire que le dieu   « Etre »,  « tout puissant », « Grande Intelligence », le dieu  « la Volonté » des philosophes, n’est pas le dieu de la Bible.

Les protestants n’ont pas compris la nécessité, pour la Réforme, de la  connaissance de la philosophie (alors que les prêtres font 3 ans de philosophie avant la théologie). Calvin le savait, lui le juriste, le littéraire, qui n’avait pas fait de théologie. Il voulait proposer des études plus complètes.

– La théologie élabore des discours et déconstruit la rationalité des discours en les confrontant au texte biblique. La Bible offre une pluralité de genres littéraires et de théologies différentes. Celles-ci suscitent donc des interprétations plurielles et parfois conflictuelles. On ne peut donc pas construire une synthèse de la théologie de la Bible puisqu’elle est le Livre des possibles.

Comment la société  perçoit-elle la théologie ?

La société  est d’une inculture évidente. La théologie est totalement absente de la philosophie comme la philosophie l’est de la théologie. Cette dernière est très mal vue – (fanatisme- querelles jugées ridicules). Et pourtant des théologies multiples sont présentes jusque dans la pub… Or dans les débats publics on ne consulte jamais les théologiens et on ne peut rien répondre car on ne connaît pas la théologie de l’intérieur. Les positions des politiques sont plutôt fondamentalistes, littéralistes dans leurs positions. (Cf L’homme-dieu de Luc Ferry, le  problème actuel du droit canon catholique opposé au droit de la république, le «fait religieux «  de Régis Debray, les transhumanistes et cette nouvelle « vraie » religion inquiétante qui prône : « le monde est foutu ». Oui, aujourd’hui plus que jamais, le monde a besoin de vrais théologiens.

D’autant que la société ignore totalement les bases sur lesquelles elle est assise ; vidée de sa culture elle s’écroule. La Chine a bien compris la valeur de la culture : elle réhabilite très fort le confusianisme pour asseoir son pouvoir politique.

Pour Ricoeur, (en 1959), le grand défi n’était pas la bombe atomique mais le nihilisme, le scepticisme. On passe son temps à s’excuser d’exister au lieu d’exister et d’assumer son identité, sa culture.

L’idée de laïcité, magnifique dans la société religieuse de l’époque qui l’a vu naître, part aujourd’hui dans tous les sens. Elle favorise les intégrismes, un siècle plus tard, parce qu’on a délégitimé la religion. On tolère tout, on devient trop neutre. La société est inculte sur le sujet. Et dans les communautés chrétiennes, elle est davantage prétexte à une religion identitaire, attestante, militante, intime, mais sans théologie pour canaliser la transmission.

Et l’Église alors ?

Elle a besoin de la théologie d’abord, pour canaliser l’énergie de la foi, pour la crédibilité et la cohérence du message surtout en période éruptive.

Elle a besoin ensuite, d’organiser la pluralité des sensibilités théologiques, des formes de vie, pour autoriser la pluralité des formes de témoignages.

L’Epudf, parmi les autres Églises, a ce ministère d’intelligence de la foi : elle peut apporter une vraie capacité à  déchiffrer la Bible et le monde. Il faut qu’elle s’en donne les moyens.

Jacqueline Baumann

À propos de l'auteur

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Alain Rey

Directeur de la publication Hier & Aujourd'hui
Pasteur de l'EPUdF
Études à Montpellier, Berkeley et Genève
Pasteur à Fleury-Mérogis, Mende, au Defap et à la Cevaa

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