Histoire Théologie

Jean-François Zorn : Algérie : « Mission impossible » ?

L’Algérie, première conquête de la nouvelle vague coloniale de la France au XIXesiècle a plusieurs fois été l’objet de l’attention de la Société des Missions Évangéliques de Paris (Mission de Paris). Soupçonnée, dès sa création en 1822, d’être inféodée aux Missions étrangères (Bâle, Londres, etc.) et interdite d’accès aux anciennes colonies françaises (Sénégal, Antilles, Réunion), elle veut montrer au gouvernement français son attitude patriotique et sa préoccupation de l’évangélisation en terre musulmane. Aussi, dès la conquête française d’Alger acquise, elle envisage d’y envoyer Eugène Casalis et Thomas Arbousset. Mais, l’accord de capitulation entre le dey Hussein d’Alger et de général de Bourmont du 3 juillet 1830 garantissant la sauvegarde des coutumes et de la religion musulmane, la Mission de Paris renonce et oriente ses deux missionnaires vers le Lesotho.

Quelques années plus tard, alors que la politique d’occupation de tout le territoire a commencé et qu’une paroisse protestante est installée à Alger, la Mission de Paris envoie Auguste Pfirmmer ancien missionnaire du Lesotho en Algérie faire un voyage d’enquête dans « l’espoir d’y fonder une mission parmi les musulmans ». Il conclut qu’une mission parmi les juifs aurait plus de chance de succès que parmi les Arabes « le Juif ayant le sentiment du péché, l’Arabe pas » (sic). Ce projet ne voit pas le jour. Fin 1882, la Mission de Paris est sollicitée par Samuel-Henri Mayor, missionnaire suisse d’une petite Société en Pays kabyle, laNorth Africa Mission,de lui apporter un soutien. Elle tergiverse, puis sous la poussée du lobby colonial protestant, emmené par le journaliste Eugène Réveillaud, les pasteurs Auguste Mettetal inspecteur ecclésiastique et Franck Puaux, elle cède à « l’éternelle scie de la mission coloniale » (sic, Alfred Boegner, directeur). Fin 1884, elle envoie en Algérie un nouvel enquêteur, F. Hermann Krüger, ancien missionnaire au Lesotho et futur professeur à l’École des missions, pour étudier la question d’une mission parmi les Arabes ou les Kabyles. Il conclut que « l’islamisme s’étant usé sur ces derniers, ils sont moins réfractaires à la civilisation et au christianisme » (sic) et propose à la Mission de Paris de soutenir Mayor, ce qu’elle fera jusqu’en 1893. Une dernière enquête de la Mission de Paris est conduite en 1947 par l’un de ses responsables, le pasteur André Roux, d’origine méthodiste. Entre temps, une mission méthodiste française s’est engagée en Algérie en 1887, relayée en 1909 par l’Église méthodiste épiscopale américaine. L’enquête de Roux conclut à l’impossibilité d’ouvrir un nouveau champ mission en Algérie et suggère d’apporter un soutien aux responsables de l’Église réformée. La question missionnaire, portée par de multiples petites sociétés missionnaires de la mouvance évangélique se poursuit après l’indépendance du pays en 1962 en partie clandestinement en partie en lien avec l’Église protestante en Algérie créé en 1972 et qui reçoit en 2011 le statut de seule Église protestante autorisée.

Jean-François Zorn    

À propos de l'auteur

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Alain Rey

Directeur de la publication Hier & Aujourd'hui
Pasteur de l'EPUdF
Études à Montpellier, Berkeley et Genève
Pasteur à Fleury-Mérogis, Mende, au Defap et à la Cevaa

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