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Frédéric Rognon : Le défi de la non-puissance

Frédéric Rognon, le défi de la non-puissance, Éditions Olivétan, Lyon, 2020, 299 p., 22 €

Frédéric Rognon a écrit ce livre pendant le confinement alors que nous étions tous touchés, bousculés, percutés par une pandémie à laquelle nous n’étions pas préparés. Il s’interroge avec Ellul et Charbonneau sur ce que nous vivons, sur les causes profondes de tout ce qui nous arrive, sur les enjeux et les perspectives, sur les doutes mais aussi sur les raisons d’espérer.

Ellul et Charbonneau sont certes des penseurs du XX° siècle mais ils font tous deux figure de prophète. « Paradoxe des paradoxes, écrit Rognon, ce sont deux hommes qui ont traversé la quasi-totalité du siècle dernier et n’ont pas connu le nôtre, mais qui sont les plus à même de nous aider à comprendre ce qui nous arrive aujourd’hui et à ébaucher des issues effectives pour relever les défis du temps présent ». Jacques Ellul le croyant, et Bernard Charbonneau l’agnostique, étaient « unis par une pensée commune », tous deux « ont passé leur vie à analyser les mutations de nos sociétés, à évaluer leur tendance lourde, à décrypter les signes du temps, à esquisser les évolutions probables à venir, et à s’engager dans des combats décisifs« . Pour Frédéric Rognon, l’héritage d’Ellul et de Charbonneau, c’est à la fois le diagnostic sur ce qui nous arrive que Charbonneau appelle la « Grande Mue » et l’issue pour relever les défis qui relève de ce qu’Ellul appelle « l’éthique de la non-puissance« .

En quoi consiste cette Grande Mue ? Qu’est-ce que la non-puissance ? C’est tout l’enjeu du livre de Rognon. Il reprend les textes de l’un et de l’autre. Il les met en dialogue. Il montre combien à travers ce dialogue l’un et l’autre se sont nourris et fécondés. Il explore leur positionnement critique vis à vis de la technique et du progrès. Charbonneau utilise l’image de « lhommauto » pour symboliser l’asservissement de l’homme à la machine et la sacralisation de la technique. Rognon montre également combien ils sont tous deux en dialogue sur la question de la tradition judéo-chrétienne et de la foi. Charbonneau ne se considère pas comme chrétien. Il est au contraire très critique vis à vis de la tradition chrétienne et cela a pour conséquence « de radicaliser la défense de la foi chez Jacques Ellul. Cet agnostique a amené Ellul à épurer sa foi en la défendant contre le christianisme ». Pour Ellul, il est bien évident que l’espérance se situe dans la révélation biblique ; elle est la « clé herméneutique de la crise écologique« . C’est une clé qui trace un chemin, celui de ce qu’il appelle  « l’éthique de non-puissance ». Frédéric Rognon parle de la non-puissance comme « la possibilité de faire des choses mais le choix de ne pas les accomplir lorsque, après discernement, elles ne seraient pas réalisées dans un esprit d’amour et de responsabilité. Jacques Ellul, dit-il, cite l’exemple de Jésus à qui on demande de faire des miracles mais qui les refuse s’ils visent à manifester sa toute-puissance. À l’heure actuelle, la non-puissance pour les chrétiens disciples du Christ consiste à le suivre sur ce chemin, en dépit de la technique à laquelle ils ont accès ».

C’est un livre dense, riche, passionnant. Il peut se lire d’un trait. Il peut se lire par section. Il peut se lire en groupe. Il peut faire l’objet d’une lecture partagée. Il peut permettre dans un cadre de partage et de rencontre une réflexion concertée et dialoguée sur les défis qui sont devant nous aujourd’hui.

Alain Rey

 

À propos de l'auteur

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Alain Rey

Directeur de la publication Hier & Aujourd'hui
Pasteur de l'EPUdF
Études à Montpellier, Berkeley et Genève
Pasteur à Fleury-Mérogis, Mende, au Defap et à la Cevaa

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