Artisans de paix – Entre pacifisme et résistance
Hiver 1961, Henry Mottu purge une peine de six mois dans la prison Saint-Antoine à Genève pour avoir refusé d’effectuer son service militaire. Le service civil n’existait pas encore et ne sera introduit en Suisse qu’en 1996. Aujourd’hui professeur honoraire de la Faculté autonome de théologie protestante de l’Université de Genève, où il a enseigné la théologie pratique, l’auteur a également été pasteur de l’Église protestante de Genève. Lors de son procès, le juge a déclaré : « Nous nous trouvons ici devant une objection de conscience à l’état pur » – il voulait dire pour des raisons religieuses non discutables. Depuis soixante ans, Henry Mottu ne cesse de repenser cette posture et de relire les théologiens qui ont pensé le pacifisme, depuis les Pères de l’Église jusqu’à aujourd’hui.
« Cet essai est très personnel, je voulais une dernière fois faire le point sur mon engagement pacifiste » annonce l’auteur (p.7) qui dit en passant que son grand âge est arrivé. Témoignage d’un objecteur de conscience, cet essai parcourt le dialogue de l’auteur avec la Bible, depuis Caïn et Abel jusqu’à Jésus, le Christ. Le souci de l’auteur est de s’expliquer avec les traditions chrétiennes qu’il reconnaît être contrastées et parfois contradictoires au sujet de la guerre et de la violence. Il tient à dire sa dette envers ses grands maîtres qu’ont été entre autres Karl Barth et Dietrich Bonhoeffer.
Peut-on parler de pacifisme chrétien ? Comment mettre en pratique le commandement « tu ne tueras pas », clé de voûte de tout le pacifisme, et la parole de Jésus appelant à l’amour des ennemis ? Que penser de la théorie de la guerre dite « juste » ? Ce sont quelques unes des questions abordées par l’auteur et avec lesquelles il n’a cessé de se mettre au travail. Comme l’a écrit en substance Antoine Nouis, ce livre est l’occasion pour l’auteur de faire une mise au point sur les tensions entre conviction et responsabilité, pacifisme et pragmatisme, prophétisme et compromis politiques, idéal de paix et résistance devant le mal.
Faut-il lire cet ouvrage comme un testament, entre pacifisme et résistance ? Les lecteurs liront alors avec d’autant plus d’attention le dernier chapitre de l’ouvrage, intitulé « Envoi – Mon parcours personnel » qui se termine ainsi : « Suivre son propre chemin. Non pas vouloir des choses, non pas vouloir ce que veulent les autres, même pour votre bien, mais se vouloir dans ce qu’on veut. Telle sera finalement la leçon que je retiens de mon aventure » (Souvenirs de prison, 1961. C’est l’auteur qui souligne)
Labor et Fides (Résonances théologiques), 2023, 149 p., 18 €
Un compte rendu de Pierre-André Schaechtelin, pour LibreSens
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