Éric FUCHS, LE DÉSIR ET LA TENDRESSE – Pour une éthique chrétienne de la sexualité, Éditions Labor et Fides, Genève (CH) – juin 2024 – 3e édition, Collection CLASSIQUES – ISBN : 978-2-8309-1848-9, 312 pages (210 x 120 x 24 mm) – 18,00 €
Troisième édition de ce livre paru en 1979, qui par son volume et sa technicité revêt un caractère académique ayant place dans le monde universitaire. Mais le discours professoral ne peut dissimuler le cheminement personnel de son auteur ; l’enseignement s’accompagne du témoignage d’un parcours qui va jusqu’à l’expérience corporelle de la vieillesse. Sa lecture fait désirer une adaptation de manière plus accessible et attirante pour le « lecteur moyen », qui serait bien utile dans notre société contemporaine ! Quelle place donner à notre corps et à notre sexualité dans la conscience de soi ? Malheureusement l’auteur est aujourd’hui décédé.
On est souvent encore prisonnier d’une distinction entre le pur et l’impur dans notre vie corporelle à tous les niveaux, et particulièrement dans la vie sexuelle. Sentiment de culpabilité et volonté de libération conduisent souvent chez un thérapeute psychologue ! Il serait souhaitable que la réflexion théologique de nos églises (et de leurs pasteurs) consacre plus de place à cet aspect de la vie. Cette 3° édition n’est-elle pas signe de l’absence de littérature chrétienne sur le sujet ?
Les six chapitres proposent une réflexion chrétienne sur la sexualité, et quelques propositions d’accompagnement. D’abord, on est invité à faire, pour ainsi dire, un état des lieux. La sexualité étant une source de désir ne peut que connaître aussi rivalités et violences, du fait de l’existence du désir d’autrui. Dans notre société patriarcale, cela s’est toujours traduit par la domination et l’exploitation des femmes par les hommes, y compris dans la vie de couple et dans l’institution du mariage. L’égalité et la liberté des femmes sont une conquête difficile à réaliser.
La sexualité étant un élément du corps humain, elle peut se dérégler en dépassant la mesure qui lui est propre. Sans contrôle, elle peut nuire à la dignité et à la noblesse que lui donne l’esprit (voire le Saint-Esprit de Dieu pour les chrétiens) qui l’habite. Il est nécessaire d’en fixer les limites, et de préciser la signification qu’il lui apporte.
Selon les écrits bibliques fondateurs, l’homme et la femme réunis (Adam et Ève) représentent l’image de Dieu dans sa création. Leur union passe par leur sexualité, et c’est alors que le langage surgit entre eux : « je » et « tu » apparaissent, et leur existence commence. D’où l’immense dignité et valeur de la sexualité, et des corps qu’elle habite, ainsi que la grande promesse d’unité qu’ils portent en eux. Dans ce but, la vie sexuelle aura à demeurer dans son rôle d’instrument de réciprocité, « non seulement au lit, mais à tous les instants de la journée… » [prises de responsabilités et partages de joies] (p.100).
Le chemin est ainsi ouvert pour une théologie de l’institution du mariage. La Bible en fournit les éléments, à réunir et à coordonner. Le Premier Testament se fonde sur le don que constitue la sexualité dans le mystère de la création. Il faut en prendre soin, le préserver de tout ce qui le menace dans l’existence. D’où l’appareil juridique qu’il a élaboré au cours des âges et des problèmes survenus. Le Nouveau Testament, lui, insiste sur le don créationnel que constituent la sexualité et le mariage. L’amour qui les fonde est du même ordre que celui qui unit le Christ à son Église, son corps.
Au cours de leur histoire, les chrétiens ont connu des influences négatives dans leur vision de la sexualité. Principalement, soit en la sacralisant comme élément de la relation avec Dieu et de la vie mystique, soit en opposant vie charnelle et vie spirituelle, corps et esprit, et en classant la sexualité dans le domaine de la chair, siège du mal. Il importe de rétablir sans cesse sa qualité de don de la grâce, et de limite pour toutes les créatures humaines, à la fois. Reconnaissance et humilité.
Le dernier chapitre expose les éléments que comporte la foi chrétienne pour une éthique de la sexualité que les Églises contemporaines ont peine à élaborer. Il s’agit de construire un couple comme l’expression d’un amour qui est à la fois conscience de la différence et promesse d’unité. Ceci dans la reconnaissance de la spiritualité de relation amoureuse et de l’être corporel de tout un chacun. En conclusion, vingt-six pages font place à un bel et long éloge de la valeur spirituelle de l’érotisme.
Compte rendu de Gilbert Charbonnier
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