Méditation Théologie

Jean-Pierre Molina : Covidence

Les Protestants – et la Bible – affirment que nous sommes « sauvés par la grâce ». Ici tous les mots comptent : la grâce c’est le fait que Dieu aime l’humanité sans attendre qu’elle mérite cet amour : gratuitement. Être sauvé signifie échapper au Diable cornu et aux supplices de l’enfer, ce qui est toujours bon à prendre, mais si le mot a aussi un sens plus complet, si salut veut dire guérison, santé, évasion, amnistie… alors parler de la grâce qui libère à des gens qui n’ont plus peur de l’enfer mais voient des enfants attraper des cancers ou se faire estropier par des assassins bénis d’un dieu vampire, c’est un peu décalé !

Et même dans le cas des croyants les plus convaincus qu’est-ce que ça veut dire sauvé par la grâce quand l’expériencemontre que ça ne marche pas ? À Mulhouse, du 17 au 24 février, 2000 chrétiens « évangéliques » venus des 4 horizons sont réunis pour prier le Dieu de la grâce. Et patatras le meeting des croyants devient le principal diffuseur de corona virus en France et alentour! Moralement c’est moins gênant qu’une affaire de pédophilie mais théologiquement ça fait plus mal. Quels ont été, quels sont encore les sentiments des fidèles après cette expérience? On nous avait dit que Dieu est providence, qu’il protège ceux qui l’aiment. Nous l’aimons mal? Il ne nous aime pas? Ou bien … Il ne protège pas?

Ou s’Il protège c’est par quels moyens? Par intervention surnaturelle sur le cours des événements?

Collectivement : il y a des trous dans la sécurité mais quand même nous vivons en paix. Nous sommes donc mieux protégés par Dieu que les Syriens ou les Irakiens qui subissent des massacres quotidiens. L’ennui c’est que les victimes de la folie humaine sont souvent plus croyantes que les européens préservés… Dieu préfère les Européens? Et on doit quand même célébrer sa justice? Absurde. Mais si la foi ne remplace pas une bonne assurance tous risques, comment croire à un Dieu protecteur? Être sauvé par grâce ça change quoi pour qui?  Assurément si ça change quelque chose ce sera pour tout le monde. Le juste et l’injuste, le croyant et l’incroyant, le pauvre et moi.

Et individuellement : est-ce qu’on oserait dire à une fillette de 9 ans atteinte d’un cancer incurable « tu es sauvée par la grâce » ? Eh bien, à condition de trouver les mots ou l’accent ou les gestes, certains l’ont fait. Ils ont alors appris que la force n’est pas un prérequis; que des enfants sont capables de faire face à la mort. On va m’objecter qu’ils sont aussi capables de croire à la résurrection et que devenus adultes ils rejetteraient cette sornette. Devenus adultes ou éteints? Penser que la mort est le fin mot de la vie n’est pas plus rationnel que croire au Christ ressuscité. C’est seulement plus terne.

Alors, finalement, qu’est-ce que ça veut dire sauvé par la grâce quand l’expériencemontre que ça ne marche pas ? Ça veut dire que l’expérience se trompe quand elle confond la grâce etla magie : Dieu ne change pas la réalité par magie pour la plier à nos besoins. Dieu nous change, nous. Sans avoir besoin de surnaturel. Par le truchement de la prière, si facile à confondre avec la méthode Coué, tant elle engage la personne qui prie au service de la cause pour laquelle elle prie et tant la réponse de Dieu se marie avec le cours profane de la vie. Par cet engagement dépourvu de signes extérieurs Il fait de moi quelqu’un. Pas de piston pas de persécution de la part de Dieu, mais pour ceux qui l’aiment la force de vivre et d’aimer envers et contre tout.

Jean-Pierre Molina

About the author

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Alain Rey

Directeur de la publication Hier & Aujourd'hui
Pasteur de l'EPUdF
Études à Montpellier, Berkeley et Genève
Pasteur à Fleury-Mérogis, Mende, au Defap et à la Cevaa

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