Violences sexuelles sur des mineurs
Le 26 Janvier 24, la voix d’une théologienne respectée et célèbre,- elle a été en 2009 la première femme à être élue chef de l’Eglise allemande l’EKD-, Margot Kässmann s’élève et résume l’émotion de ses collègues : « les coupables étaient parmi nous et beaucoup se sont tus ». La présidente actuelle Kirsten Fehrs s’écrie : « je suis sous le choc ».
Pourquoi tant d’émotions ? Un rapport publié la veille par l’Institut central de la santé mentale de Mannheim vient de dénombrer 2225 cas d’abus sexuels entre 1945 et 2020 au sein de l’EKD. « Et encore ajoute un coauteur du rapport « n’est-ce que la pointe émergée de l’iceberg puisque n’ont été mis à disposition pratiquement que les dossiers disciplinaires » ! Le pire semble encore à venir dès que l’accès aux dossiers personnels sera facilité. Une Église qui s’estimait peut-être meilleure que sa sœur catholique se trouve gravement ébranlée. La présidente de l’EKD a présenté aux victimes de vibrantes excuses mais les traumatismes subis sont bien sûr irréversibles.
Le professeur Thomas Gölting, historien, analyse les causes du mal : l’EKD est un regroupement fédéral des Églises allemandes, ce qui fait que la saisie des données et le traitement des cas est régional et donc variable. Par ailleurs, la structure même de l’EKD fondée sur la participation et la démocratie fait disparaître les responsabilités ; et enfin la tradition théologique du pardon a été instrumentalisée pour faire pression sur les victimes des abus sexuels et les réduire au silence. Ces dernières ont été isolées, écartées au lieu d’être soutenues comme le réclamerait la charité chrétienne la plus évidente.
Une des premières mesures suggérées est l’examen de tous les dossiers puis l’information, la confrontation, la discussion dans les paroisses devant la gravité de la violence sexuelle dans l’Église protestante. Mme Kässmann réclame la création d’une autorité d’arbitrage neutre et la mise en place de moyens d’aide rapide pour les victimes : dédommagements financiers et soutien psychologique. La notion de pouvoir au sein des structures de l’Église doit cesser d’être un tabou. Et tout un travail sur la notion théologique du pardon et surtout de l’obligation du pardon semble impératif : doit- on pardonner à ceux / celles qui font violence ?
Claudine Hornung
Église française de Berlin
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