Entre 2014 et 2017 j’ai été pasteur de la communauté francophone de Berlin. Je venais de prendre ma retraite et j’étais heureux de pouvoir m’engager dans un projet pastoral qui me paraissait stimulant et qui l’a été de bien des manières. Mon épouse a été associée de manière concrète et active dès le début de ce projet, ce qui a grandement facilité mon engagement.
La communauté protestante de Berlin rassemble dimanche après dimanche une bonne cinquantaine de personnes qui viennent de toutes les parties de la ville. Certains mettent plus d’une heure pour arriver jusqu’au Dom français qui se situe à quelques pas de la porte de Brandebourg, sur la place dite du Gendarmenmarkt. Une église et une tour, d’un côté de cette place et de l’autre, le Dom allemand, bâti selon le même modèle par les rois de Prusse au 18ème siècle. C’était l’époque où les Huguenots venaient en nombre à Berlin. Ils étaient accueillis à bras ouverts, ceci d’autant plus qu’ils étaient souvent des artisans habiles et travailleurs. De plus la guerre de 30 ans avait décimé les populations locales et les autorités étaient heureuses de trouver avec eux de nouvelles forces de travail.
La communauté huguenote célèbre encore actuellement ses cultes dans cette prestigieuse église. Depuis le début du 20ème siècle elle les tient en allemand, mais en suivant avec un esprit de fidélité les liturgies transmises par leurs prédécesseurs venus de France.
Les francophones se réunissent dans une salle qui se situe au-dessous de la grande église, la salle Casalis, nommée ainsi en souvenir du théologien Georges Casalis qui a été expert pour les questions religieuses auprès du Conseil de contrôle interallié et aumônier de la prison interalliée de Spandau, où était incarcéré entre autres le bras droit de Hitler, Rudolf Hess. Casalis a également été enseignant à la faculté théologique de Berlin qui lui a décerné un doctorat honoris causa.
Les participants au culte sont en grande partie des personnes issues de la migration africaine, principalement des camerounais. Ils viennent comme étudiants à Berlin, car, en tant que citoyen d’une ancienne colonie, l’Etat allemand leur octroie des facilités. Ils participent très régulièrement au culte et aiment retrouver là des concitoyens. Certains d’entre eux restent à Berlin après leurs études, se marient avec une femme de leur pays et ont des enfants. Comme ils viennent tous au culte, l’ambiance y est souvent très gaie et vivante. Quel contraste avec le culte célébré à l’étage supérieur par les huguenots, où la moyenne d’âge est plus élevée et où le sérieux et le formel règnent en maître.
Mais c’est peut-être aussi ce contraste qui plait aux huguenots ; ils voient en leurs murs une église plus jeune et plus vivante, même si elle est parfois un peu bruyante. Du reste, une fois par mois, a lieu un culte bilingue où les huguenots et les membres de la communauté francophone prient, chantent et écoutent la parole ensemble. Les deux pasteurs – le francophone et le germanophone – prononcent chacun une prédication dans sa langue et sur le même texte. A part le choix du texte, aucune concertation n’était faite, si bien que les deux messages s’enrichissent bien plus encore.
A l’issue du culte bilingue un temps communautaire était prévu (C’était avant le covid !!!), où les fidèles des deux communautés partageaient un repas, leurs expériences et la joie d’être ensemble. A cette occasion, les bananes plantain côtoyaient les salades aux pommes de terre et les saucisses se mangeaient avec du manioc par exemple. C’étaient des respirations bienvenues pleines d’espérance d’un monde nouveau où chacun peut vivre comme il l’aime.
Personnellement j’ai aimé ces partages d’idées, de spiritualité, de pain et de riz. C’était une joie de connaître des personnes si différentes les unes des autres. C’était une image de ce que pourrait être un monde multiculturel et sensible aux différentes orientations spirituelles.
Ainsi au printemps 2017 a eu lieu à Berlin et à Wittenberg le fameux Kirchentag qui a réuni 800’000 participants venus de toute l’Allemagne. La ville était transformée en un véritable « laboratoire chrétien » où se côtoyaient des personnes de toutes les tendances théologiques et spirituelles. Avec pour thème « Du siehst mich » (Tu me vois) se sont succédés pendant 4 jours des conférences, des partages bibliques, des méditations et des célébrations dans toute la ville, et de nombreux temps d’échanges et de rencontres. La communauté francophone et les huguenots ont participé pleinement à cet événement, entre autres par un culte bilingue avec Sainte-Cène. Pour moi ce rassemblement était une immersion intense et intéressante dans la réalité de l’église Allemande.
Marco Pedroli, pasteur
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