Merci à notre alsacien luthérien, Albert Huber, qui nous fait parvenir depuis Strasbourg un reportage photos sur Protestants en fête. Certains s’expriment par la plume, d’autres, et c’est le cas d’Albert Huber, s’expriment par le regard qu’ils portent sur les êtres. Depuis des années, Albert Huber promène son objectif sur les événements du protestantisme français et mondial. Il publie avec Marc Lienhard aux éditions du Signe un très bel ouvrage illustré sur « les nouveaux visages du protestantisme ».
En vente en librairie, 15€.
«Les nouveaux visages du protestantisme» : une ode à la diversité
Article paru sur le site du Defap – Date de publication : 14/11/2017
Dialogue au rassemblement national Protestants en fête, place du Palais Royal à Paris, 2013 © Albert Huber |
«Faire parler des images» : une vraie gageure pour des protestants. Voilà pourtant cinquante ans qu’Albert Huber s’y efforce, avec talent et sensibilité, à travers ses photographies et ses reportages, ses expositions, ses livres… Photographe engagé, il est bien connu du milieu de la presse et des éditions religieuses (Réforme, Ensemble, Oberlin, Olivetan…) ; il a aussi régulièrement travaillé pour le Défap. Il publie aujourd’hui aux éditions du Signe «500 ans de la Réforme – Les nouveaux visages du protestantisme», un magnifique ouvrage dont l’introduction a été écrite par le théologien Marc Lienhard, et préfacé par François Clavairoly (président de la Fédération protestante de France) et Christian Albecker (président de l’Union des Églises protestantes d’Alsace et de Lorraine). On y découvre un protestantisme aux multiples expressions à travers les cultures et les pays, au fil de 200 clichés de grands rassemblements ou de scènes du quotidien, de foules ou de visages, pris de l’Alsace à Madagascar, de Pologne en Chine, d’Iran en Polynésie, du Liban en Argentine, d’Inde au Bénin… mais avec à chaque fois le même regard proche et bienveillant qui laisse affleurer tout à la fois la profondeur humaine et la spiritualité.
Né en Alsace en 1945, Albert Huber se qualifie lui-même de «photographe humaniste». L’un de ses maîtres (et ami) fut Willy Ronis (1910-2009). Il privilégie « l’instant décisif », en captant sur le vif une attitude, un sourire, une expression, une situation de vie. Il ne retouche pas ses photographies. C’est avec ce souci de capter l’instant, l’attitude, le geste, le regard qu’il accompagne depuis une cinquantaine d’années les rendez-vous, les joies et les crises du protestantisme en France et dans le monde. Dans son dernier ouvrage, on retrouve près d’une vingtaine d’années de grands rendez-vous (Protestants en Fête, Assemblée du Désert, Rassemblement oecuménique européen de jeunes de Taizé, Célébration de l’union des Églises protestantes d’Alsace-Lorraine, 70 ans de la Cimade, Semaine de l’Unité des chrétiens, culte de lancement de l’année Luher 500 ans après la Réforme…), mais aussi des scènes ordinaires (cultes en France, à Madagascar, au Bénin, en Inde, en Argentine, en Chine…), des regards d’enfants ou d’anonymes, des lieux, des objets… Autant de clichés qui à chaque fois invitent à la rencontre, au partage, à la découverte de l’autre. A la solidarité aussi, comme lors de ces visites de camps de réfugiés syriens…
Non pas expliquer ou commenter, mais montrer et illustrer
Pour aller plus loin :
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Ainsi que le souligne le théologien Marc Lienhard dans son introduction, Albert Huber «ne veut pas expliquer ou commenter la manière dont les protestants d’aujourd’hui vivent leur foi, mais la montrer et l’illustrer. À l’heure où le visuel l’emporte souvent sur le livre et qu’une culture du visible s’impose dans notre société, ce projet est légitime et bienvenu.» Par ses photographies, Albert Huber réhabilite ainsi l’image au sein d’un monde protestant traditionnellement réticent envers les représentations visibles, et montre qu’à travers des photographies, c’est la vie elle-même qui perce, avec ses chocs et ses rencontres (que l’on songe à ce face-à-face entre un Kanak de Nouvelle-Calédonie et un indien Toba d’Argentine, à l’occasion d’une action de la Cevaa), et avec toute la spiritualité dont elle est imprégnée. «C’est le protestantisme et ses nombreux visages que ce livre veut nous montrer», souligne encore Marc Lienhard. «En parcourant l’ouvrage, on est d’emblée frappé par la diversité du protestantisme ainsi présenté. Il y a les luthériens d’Alsace, de Madagascar et d’ailleurs, les réformés presbytériens, les méthodistes, diverses Églises ou communautés évangéliques, dont celle des tsiganes, sans oublier les charismatiques et les pentecôtistes.»
Il y a aussi tous ces instants de partage, ces assemblées, ces cultes et ces mariages, ces baptêmes ou ces scènes plus intimes qui scandent la vie des communautés protestantes du monde entier : ici, une photographie de 15.000 huguenots participant au rassemblement de l’Assemblée du Désert au pays des camisards ; là, une lecture de la Bible dans une pirogue sur le Zambèze ; plus loin, des enfants partageant du riz à la sortie du culte d’installation de diacres à Madagascar… Mais les objets aussi racontent une histoire et parlent de toute la vie d’une communauté, comme cette enseigne de rue dans la vieille ville à Casablanca mentionnant «rue de la mission», en français et en arabe ; cette simple croix en Toscane qu’escaladent des plantes grimpantes ; la croix brisée de Dachau réalisée par l’artiste hollandais Carel Kneulman pour l’église de la Réconciliation ; et ces diverses bibles, parfois usées et déchirées, photographiées au Bénin, au Maroc, en Zambie, souvent entre les mains de ceux qui sont en train de les lire…
Cinq chapitres, et cinq textes en forme de déclarations de foi
Culte pentecôtiste en plein air : prière dansée des femmes indiennes tobas, Bermejito au Chaco dans le grand nord de l’ Argentine, 2006 © Albert Huber |
Les cinq chapitres de l’ouvrage, Parole et Prière, Vivre la solidarité, Dialogues & Rencontres, Église universelle et Histoire & Patrimoine, sont précédés de courts textes d’Albert Huber qui sont autant de déclarations de foi : « (…) Je crois en la force de l’Écriture, coeur de la foi. Je crois à l’actualité de ses psaumes et de ses proverbes de sagesse, de ses mythes et de ses épopées, de ses méditations et de ses protestations, de ses hymnes et de ses paraboles, de ses lettres et de ses apocalypses(…) » « (…) Je crois que l’humanité de Dieu n’est déterminée par aucune oeuvre. Elle est grâce, ce quelque chose en plus qui me rapproche de l’autre différent pour l’écouter, l’accompagner, l’accueillir, en particulier quand il est démuni, rejeté ou exclu(…) »
Ces textes et les images qu’ils accompagnent forment, au fil des pages, un véritable plaidoyer pour la rencontre, pour l’interculturel et pour la Mission : « (…) Je crois en la dynamique de ce qui se nomme Mission qui envoie des témoins d’humanité dépasser les frontières, celles des terres lointaines comme celles du coin de la rue. Je crois que nous sommes appelés à mettre le cap vers d’autres rivages avec, pour tout bagage, le désir de briser les intolérances sur lesquelles on dresse des barbelés jusqu’au ciel étoilé. Je crois en la force d’aimer sans frontières, même si d’autres distillent la haine.»
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