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Régis Debray : Le nouveau pouvoir

Régis Debray, Le Nouveau Pouvoir, Medium-Cerf, août 2017, 95 p. 8 € Quand le professionnel de la médiologie médite et prophétise ! Régis Debray avait lancé les premières fusées au printemps de cette année, en publiant « Civilisation » (Gallimard NRF, 230 p). Il expliquait « comment nous sommes devenus des américains ». Dans cet inventaire socio-culturel préalable, il faisait déjà une large place au protestantisme : un christianisme de la responsabilité individuelle, de la libre entreprise et du bonheur de la liberté. Calvin et Luther, en somme, ces deux patriarches de la Réforme étaient l’avenir du monde, tant par la régulation de la liberté selon l’un, que dans la joie conquérante de l’autre. Avec le petit livre, six mois après, plus brièvement mais très clairement, Régis Debray va démontrer que nous sommes ou allons devenir tous des « néo-protestants ». Le lecteur pourra sauter les deux premiers chapitres, de mise en jambe littéraire et acrobatique. On entre dans le vif du sujet avec le ch. III : « Nous étions en France catho-laïques. Pouvons-nous demain devenir néo-protestants ? » (p.42). C’est parti : un bon protestant n’a rien à cacher, protestantisme et multiculturalisme ne font qu’un, les femmes comme les hommes sont au service d’un culte sans clergé, directement branché sur le Saint-Esprit, le néoprotestantisme abolit les hiérarchies, l’évangélique est un coach en marche, de Pierre Bayle ou Martin Luther-King à Marc Boegner ! J’ai cité presque mot-à-mot. Résumé du néoprotestantisme avant la conclusion : « Un pays de souche catholique peut-il emboîter le pas à des parpaillots refaits à neuf ? Nous parlons culture, non culte. Une culture, c’est ce qui reste d’un culte qui s’éteint, ou déteint »(48-49). Après cette éblouissante fresque décrivant le « génie du néoprotestantisme », l’opuscule explosif se termine par un feu d’artifice contemporain et devenu commun : « La génération Ricoeur ». Avant François Dosse* et Pierre-Olivier Monteil**, Régis Debray met en dialogue Paul Ricoeur, « notre professeur d’espérance », et le Président de la « république dialectique d’un passé qu’on assume et d’un avenir qui oblige » (80-81). On discutera de ce néo-christianisme culturel sans confession de foi explicite ni communauté ecclésiale instituée. Je ne sais si Debray a donné la bonne réponse, mais il pose une question qui me semble incontournable.

Michel Leplay

*François Dosse : Le philosophe et le Président, Ricoeur et Macron, Stock, octobre 2017. **Pierre-Olivier Monteil : Macron par Ricoeur, Le philosophe et le politique, Lemieux, octobre 2017.

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