Michel WIEVIORKA et Régis MEYRAN : GRAND ÂGE ET FIN DE VIE – ÉTHIQUE, CITOYENNETÉ ET ENGAGEMENT © Éditions de l’Aube, 2024, La Tour-d’Aigues (84) – octobre 2024, Collection Voix et Regards – ISBN : 978-2-8159-6188-2, 184 pages (220 x 140 x 15 mm) – 21,00 €
Dans une approche sociologique de la vieillesse, la plus grande partie de l’ouvrage est consacrée au travail de la Convention citoyenne sur la Fin de Vie (CCFV), créée en décembre 2022 sur initiative du chef de l’État, et qui lui remettra son rapport en avril 2023. Celui-ci est un document préparatoire au débat parlementaire encore attendu. Les auteurs ont été des témoins privilégiés des travaux de la Convention.
Une assez longue et éclairante introduction fait l’analyse de l’évolution de cette catégorie d’âge dans la société française, et de l’mage qu’elle revêt dans la conscience collective de la nation. Puis, un premier chapitre présente la CCFV. Sa composition a eu pour objectif d’en faire une véritable représentation de notre société dans ses diverses composantes, et de lui permettre ainsi un débat et des conclusions éclairés. C’est pourquoi elle a réuni des citoyens tirés au sort à partir d’un échantillon de candidats représentatifs de la communauté nationale, et d’autre part un ensemble d’experts des diverses disciplines concernées, aussi tirés au sort. Huit sessions de travail se sont déroulées suivant une méthode préalablement établie, afin de permettre au débat de surmonter les conflits, et de permettre à des citoyens de tout niveau une vision compétente des enjeux de la tâche commune.
Le travail de la Convention a notamment dû surmonter en son sein des clivages d’ordre éthique, idéologique ou religieux, ainsi que tenir compte des dimensions culturelles, économiques ou politiques de ses propositions. Elle a aussi eu à prendre connaissance d’autres instances nationales [Conseil économique, social et environnemental – Conseil consultatif national d’Éthique – Conseil national autoproclamé de la Vieillesse – Caisse nationale d’Assurance vieillesse. etc …).
Il a fallu décider de l’opportunité ou non de regrouper dans la même loi le problème des droits sociaux des vieux citoyens et les questions relatives à la fin de vie, comme il en a été finalement convenu. Par ailleurs, quels choix faire entre le droit exclusif aux soins palliatifs et la pratique du suicide assisté ou de l’euthanasie ? Les orientations n’ont pas été prises suivant la loi d’un scrutin majoritaire, mais par la recherche d’un consensus par la voie de la reconnaissance de l’authenticité de toutes les attitudes, et de la recherche d’un compromis (cela ressemble fort à la pratique de la palabre africaine, ndrl). On a pu d’ailleurs constater une évolution dans l’attitude des membres de la convention au long de ses travaux, et suite aux dialogues avec les différents experts présents. Une telle convention (qui vient après la Convention citoyenne sur le Climat, de 2008 à 2020) est une forme de démocratie délibérative, préparant les décisions législatives de la démocratie représentative (parlement) du pays.
Dans le rapport remis au Chef de l’Ètat ; une complémentarité totale y est affirmée entre le droit aux soins palliatifs et le droit au recours actif à la fin de vie, sur la base de la liberté du sujet à disposer de son existence, avec les accompagnements médicaux et psychologiques, voire religieux, nécessaires.
Le dernier chapitre prolonge l’approche sociologique du « grand âge » initiée en introduction. Cette catégorie sociale est victime de marginalisation du fait de son retrait de la vie active et de sa situation de dépendance croissante avec ses divers handicaps. Le vieux n‘est plus un sujet agissant ; il est objet d’assistance et de soin (care, dit-on en français comme en anglais). Le projet de loi sur la fin de vie lui rend sa subjectivité. Il devient alors responsable de sa propre vie. Il faut tenir compte de son avis, de ses désirs, et un mouvement social et citoyen surgit . Les plus jeunes, de 65 à 75 ans, sont souvent très capables de prendre des initiatives associatives, lui donnant ainsi une visibilité. On devra le prendre en considération sur les plans économiques, sociaux et politiques. Une porte s’ouvre là pour une véritable restauration sociétale du monde du grand âge.
Ouvrage intéressant, et utile pour quiconque s’intéresse au « care » de cet élément toujours plus important de notre société.
Gilbert Charbonnier
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