Après son bac, René Caldier commence sa théologie à Montpellier.Deux ans plus tard, il est obligé de partir en Allemagne. Pourquoi ?
Une descente de la Gestapo à la Fac
Les étudiants en théologie et leurs professeurs avaient décidé de cacher des Juifs afin de leur permettre d’échapper à la déportation et sûrement à la mort. Sur dénonciation, la Gestapo a fait une descente à la faculté et bien qu’elle n’ait « attrapé » personne, elle leur a mis en main le marché suivant : soit la faculté était fermée, soit deux étudiants partaient en Allemagne. Après discussion, mon père, qui était président des étudiants, a estimé qu’il était de son devoir d’être l’un des deux. Le deuxième qui accepta de partir fut Jean-Pierre Jornod, de nationalité suisse, qui quelque temps après se fit rapatrier à Genève, d’où il rendit de nombreux services.
De Montpellier à Berlin
Mon père arriva en septembre 1940 en Allemagne et fut envoyé dans le camp du Stalag III.D, situé à Berlin-Lichterfelde. Jusqu’en février 1941, en tant que prisonnier de guerre, il travaillait dans une ferme dans la périphérie de Berlin. Rentrant au camp le soir, il rapportait de la nourriture qu’il distribuait à ceux qui en avaient le plus besoin et organisait clandestinement des rencontres entre protestants. Dès son arrivée, au Stalag III.D, il avait demandé aux autorités allemandes d’être l’aumônier des français prisonniers, mais ce lui fut refusé.
C’est en février 1941 qu’il fut autorisé officiellement, sûrement suite à une démarche de l’aumônerie allemande, à être aumônier des protestants du Stalag III.D, ce qui lui donna une plus grande liberté de manœuvre. Le rapport transmis en septembre 1945 à l’Église Réformée de France donne de nombreuses informations sur son ministère d’aumônier auprès des prisonniers qu’il nommait « L’Église des Barbelés ». Mon père y a écrit : « Malgré toutes les difficultés que rencontra l’Église de Berlin dans ses débuts et au cours de sa vie, elle a fait des expériences magnifiques qui se résument toutes en un seul mot : l’Église ».
Une délicieuse rencontre
À Chalon-sur-Saône, Dorcas Perret, ma mère fit partie d’un réseau qui aidait des Juifs à se réfugier en Suisse. Suite à une dénonciation, elle a été obligée de partir en Allemagne dans le cadre du Service de Travail Obligatoire. Fin 1940, elle s’est retrouvée à Berlin et a travaillé comme assistante sociale pour le Comité d’Action Sociale auprès des Français travaillant en Allemagne jusqu’en juin 1945. C’est à Berlin qu’elle a rencontré son mari, René Caldier, par l’intermédiaire de Gilbert Monod. Cette rencontre a sûrement eu lieu en avril 1943, lorsque mon père a obtenu un laissez-passer lui permettant de circuler librement dans Berlin.Elle bénéficiait d’une grande liberté dans ses déplacements, aussi elle rassembla autour de mon père une petite communauté qui se réunissait clandestinement dans son appartement pour célébrer des cultes et partager l’Évangile lors d’études bibliques suivies de repas en commun.
Dans cette même maison habitaient aussi deux membres du parti nazi, c’est ainsi qu’elle mit en place des stratagèmes pour que « L’Église des civils » puisse s’y tenir. Noël 1944 fut fêté chez deux chrétiennes allemandes, Anita Bendix et Charlotte Peters qui ont fait, « malgré les dangers, des choses merveilleuses pour cette Église en captivité ».
Ils quittèrent Berlin et se marièrent…
Libérés le 25 avril, mes parents ne partirent que le 11 juin lorsque tous les prisonniers français de Berlin furent rapatriés. Le 6 août 1945, René Caldier et Dorcas Perret se marièrent à Montpellier. Gilbert Monod et Jean-Pierre Jornod furent leurs témoins de mariage.
La Rochelle, décembre 2022
Michel Caldier
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