Pasteur, élu socialiste, directeur d’Amnesty International France…, Jean-Louis Hoffet a multiplié pendant cinquante ans ses engagements politiques et ecclésiaux.
« L’expérience de Jean-Louis, comme la mienne, est triplement minoritaire : comme protestant dans la sphère religieuse, comme rocardien dans notre parti, comme socialiste dans une région de centre-droit » préface l’ancienne ministre de la culture du gouvernement Jospin, Catherine Trautmann, titulaire d’une maîtrise de théologie. En écho avec l’actualité électorale, la figure alsacienne à la fois homme d’Eglise et élu politique que représente Jean-Louis Hoffet, aujourd’hui octogénaire, dans un essai autobiographique, revient sur les temps forts de son itinéraire entre Alsace et international.
« Mon double statut a davantage dérangé dans mon Eglise que dans la sphère politique, où j’étais parfois sollicité par des élus en plein divorce, par exemple. Au cours de mon mandat à la mairie de Mulhouse, mes détracteurs au sein du consistoire de l’Eglise réformée d’Alsace-Moselle m’ont poussé à démissionner de ma fonction de pasteur. Ils jugeaient qu’on ne pouvait prêcher devant des paroissiens susceptibles d’être d’un autre bord politique » révèle en substance celui auquel sa lignée familiale a transmis une double vocation. On n’y compte pas moins de quatorze pasteurs depuis 1637, mais on y croise aussi des personnalités politiques comme Jean Hoeffel, député du Reichstag – l’Alsace-Moselle à l’époque était intégrée à l’Empire allemand – ou, ces temps derniers, son cousin Daniel Hoeffel, ancien sénateur du Bas-Rhin et ministre de Giscard. Ce dernier sera le conseiller tout au long de son parcours politique. A l’instar de son autre cousin, le pasteur Michel Hoeffel, ancien président de l’Église luthérienne d’Alsace-Moselle.
La politique enrichit le pastorat
Adjoint au maire de Mulhouse, conseiller régional d’opposition – un mandat de 18 ans -, conseiller chargé des affaires interreligieuses du président de région Adrien Zeller, Jean-Louis Hoffet a marché dans les pas de ses parents. Sa mère, féministe proche du Parti communiste, a compté parmi les premières femmes pasteures du pays. Son père, intellectuel à la pensée libre, pasteur puis avocat, auteur d’une dizaine d’ouvrages, a signé le célèbre essai devenu une référence sur les rives du Rhin : Psychanalyse de l’Alsace. Ce non conformisme, Jean-Louis Hoffet et son épouse Christiane l’ont transmis à leurs enfants, dont Caroline, pasteure engagée à fond dans la sauvegarde de l’environnement dans son village défiguré par le passage de la nouvelle autoroute de contournement de Strasbourg. « Les tempéraments très affirmés de mon père et de ma mère ont fait de moi ‘ le fils de ‘. Mais au lieu d’être étouffé par le poids de leur personnalité, j’ai thésaurisé les fruits de l’héritage parental »explique le fils.
Le parcours professionnel de Jean-Louis Hoffet a fait se croiser l’idéal et l’existant : « un grand puzzle », selon son expression. Journaliste – radio internationale de la Fédération luthérienne mondiale en Ethiopie, pasteur de l‘Église réformée d’Alsace-Moselle, directeur d’associations – Amnesty International en France, Université populaire de Haute-Alsace – il a posé ses valises à Addis-Abeba, à Genève, à Paris, à Mulhouse et à Strasbourg. Avec comme trait d’union, le protestantisme. « Il m’a préparé à une certaine forme de vie publique, aux mandats démocratiques. Les conseils presbytéraux sont des micro-parlements. Pour qu’un pasteur trouve une paroisse, on doit voter pour lui. »
Au cœur de tous ces engagements multiformes qui se sont enchaînés sur cinquante ans, une conviction : sans conteste, la politique enrichit le pastorat. « Il est exaltant de vivre les problèmes d’éthique en politique, le lieu où la morale est à la fois la plus indispensable et la plus improbable face à d’incessants compromis. La théologie aide à ne pas déraper, la politique à parler à ses paroissiens de façon compréhensible et responsable. Tous les élus politiques devraient faire de la théologie qui donne à réfléchir sur le sens de leur charge. »
Albert Huber
Pasteur et politique, Jean-Louis Hoffet, 168 p., éd. La Nuée Bleue, 22 €
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