Les livres Théologie

François Noudelmann : Peut-on sauver la vérité ?

François Noudelmann, Peut-on sauver la vérité ?, Éditions Max Milo, Paris 2024 – Collection « Voix Libres » – octobre 2024, ISBN : 978-2-31502-265-6, 220 pages, 19,90 €

 

Né à Paris en 1958, François Noudelmann, d’abord professeur de philosophie à l’Université de Paris-VIII, est titulaire d’une chaire à New York University depuis 25 ans. Son dernier essai est une approche philosophique de la démesure du discours en politique, et dans les divers médias ; notamment au cours des trois dernières campagnes électorales pour la Présidence des États-Unis.

 

Notre époque connaît globalement une crise de la vérité, que l’ouvrage aborde en deux parties. La première analyse “le déclin de la vérité” qui se développe un peu partout. On peut constater la multiplication des “fake news” dans les médias. Écrits ou audiovisuels, on y trouve des affirmations péremptoires de mensonges, qualifiés de “faits alternatifs”, qui créent un monde imaginaire où l’on est invité à s’engager. C’est le cas de la plupart des régimes totalitaires, tels que le nazisme allemand ou le communisme soviétique, et aujourd’hui les dictatures socialistes ou religieuses.

 

Les propos paraissant les plus vraisemblables ne sont pas obligatoirement vrais. C’est un phénomène très répandu dans la vie culturelle (les romans) et politique. Il est de fait que les mêmes faits sont sources de compréhensions diverses. Chacun voit la vie avec divers intérêts, projets, préjugés, ou visions des choses, avec la même prétention d’être dans la vérité. On ne peut se passer de travailler à un discernement “par-delà le vrai et le faux” et le relativisme qui s’en dégage.

 

La vérité est une juste appréhension du réel et des faits. Elle n’est pas dans un modèle défini par la raison (Platon, Descartes), ou reçu par une révélation, qu’il s’agirait de mettre en œuvre, de réaliser. Elle est l’aboutissement d’un parcours existentiel vers une juste compréhension de la réalité avec le dépouillement subjectif nécessaire (Sartre, Camus).

 

Il y a une distance incontournable entre la narration et son interprétation, ou sa compréhension. Dans cet espace, de nouvelles formes de communication sont utilisées par les pouvoirs politiques, par les idéologies, ou par les progrès technologiques modernes, jusqu’à l’intelligence artificielle. Une vigilance particulière s’impose donc, et commande un travail de discernement permanent.

 

La deuxième partie du livre s’intitule bien “Les passions de la vérité”. Après le chemin qui va de la narration ou du narrateur à son destinataire avec les obstacles définis en première partie, il y a le parcours inverse du sujet vers la narration. Là encore des défis sont à relever, propres à celui qui fait la démarche. Lui aussi est conditionné par le contexte historique où il vit. Il a des intérêts, des préjugés et des convictions qu’il convient de surmonter.

 

La société européenne est marquée par l’héritage de la pensée du philosophe allemand Nietzsche pour qui la connaissance d’une vérité objective est finalement impossible. Le sujet humain ne connaît la réalité que par le ressenti qu’elle produit en lui. Ce dernier varie suivant les sensibilités, ou les valeurs qui habitent le sujet. Ainsi peut-on tout dire et son contraire à la fois. Les courants négationnistes en sont l’exemple. Il existe bien une vérité scientifique indiscutable, mais il en est fait des usages très différents. Tout est question d’interprétation.

 

Si bien que le seul accès à la vérité se fait par la résistance au mensonge et son refus, par l’indignation et la colère qu’il provoque. François Noudelmann fait sien le titre du manifeste de Stéphane Hessel, en 2010 : “ Indignez-vous !” C’est le chemin de la vérité. Mais il y ajoute un autre élément : Il faut aussi apprendre à douter, car l’indignation peut être habitée de motivations nuisant à la vérité, telles que la vengeance, ou le désir de puissance et la violence qui l’accompagne. La vérité est une promesse, au bout du chemin qui y mène. On peut noter que c’est l’itinéraire proposé par Jésus dans les évangiles. Je suis le chemin, la vérité et la vie, dit-il.

 

Voici une réflexion d’intérêt majeur en cette époque de crise identitaire personnelle ou collective, avec la haine, les conflits, la violence et la guerre qui menacent le monde.

Compte rendu de Gilbert Charbonnier pour Libre Sens et Amicale-pasteurs

About the author

mm

Alain Rey

Directeur de la publication Hier & Aujourd'hui
Pasteur de l'EPUdF
Études à Montpellier, Berkeley et Genève
Pasteur à Fleury-Mérogis, Mende, au Defap et à la Cevaa

Leave a Comment

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.