Anne DOLLFUS, Pierre-Yves KIRSCHLEGER, « L’Église réformée de France (1938-2013). Une présence au monde », Paris, Classiques Garnier, « Études d’histoire et de philosophie religieuse 89 », 2020, 448 p. ISBN 978-2-406-19778-1
Cet ouvrage présente l’histoire du plus grand nombre des Eglises protestantes réformées françaises, regroupées pendant soixante-quinze ans, de 1938 à 2013, dans l’EGLISE REFORMEE DE FRANCE. C’est la première fois qu’une telle étude globale est conduite sur l’ensemble de la période, et il y a lieu de souligner le caractère courageux d’une telle « première ». L’ouvrage se termine par une bibliographie sélective, et les nombreuses notes infrapaginales montrent la diversité des études prises en compte, en sus des Actesdes synodes nationaux (SN).
Près des cent premières pages dressent un résumé très intéressant de l’évolution des Eglises protestantes françaises depuis 1802 et analysent attentivement la préparation et le déroulement de la réunification en 1938. Un dossier presqu’aussi important est consacré à la première grande difficulté que dut affronter l’Eglise, moins d’un an après cette reconstitution : la seconde guerre mondiale. Pour la seconde moitié du 20° siècle, plusieurs dossiers abordent les questions thématiques caractéristiques : l’évangélisation, la progressive reconnaissance de la place des femmes, le rôle de l’ERF au sein de la Fédération protestante de France et du Conseil œcuménique, les relations avec les catholiques, le flux et le reflux du barthisme. Reçoivent aussi la place qu’ils méritent les sujets plus difficiles : la contestation des mouvements de jeunesse puis les remous créés par les perspectives de création d’une Eglise évangélique de France et le document de la FPF « Eglises et pouvoirs » ainsi que l’adaptation des choix ecclésiaux à l’évolution de l’éthique sexuelle et familiale. Sont également traitées les questions relatives au régime presbytérien synodal et à la liturgie. L’épilogue présente le passage de l’ERF à l’Eglise protestante unie (par un regroupement avec l’Eglise Evangélique Luthérienne de France) et les questions qui se posent à la nouvelle union.
Au fil des pages, le texte contient – encadrés – des textes souvent cités et ainsi aisément disponibles : la Déclaration de foi de 1938 et le préambule marquant l’engagement des pasteurs à celle-ci, les deux lettres envoyées le 26 mars 1941 par le pasteur Marc Boegner d’une part à l’amiral Darlan et d’autre part au Grand rabbin de France, les thèses de Pomeyrol, la Déclaration d’union puis la Déclaration de foi de l’EPUdF.
L’ensemble est écrit de manière très agréable, et bien des études thématiques (dont la liste complète est mentionnée dans la table des matières) constituent désormais de fort utiles synthèses.
Si cet ouvrage pourra indiscutablement être très utile au lecteur, il est regrettable de devoir aussi relever un certain nombre d’affirmations qui interrogent par leur écart avec les documents qui en témoignent : ainsi en ce qui concerne les difficultés rencontrées par l’appel des 5 millions de francs (pour soutenir la réunification de l’ERF) puis avec les Eglises « qui ont dit non », le transfert de certaines responsabilités de l’ERF à la Fédération protestante de France, la mise en place des « grandes régions » et la dévolution de l’autorité régionale.
Analysant la création de l’Eglise protestante unie de France, les auteurs se demandent s’il ne s’agit pas d’une « union cache-misère ? » et soulignent les difficultés financières qu’elle rencontre. Mais l’on peut s’étonner qu’aucun passage du livre ne mentionne ni n’analyse les efforts constants effectués par l’ERF en vue de la plus grande transparence en matière financière : depuis la première étude sur l’ensemble des dons et leur utilisation (Actes SN 1982), jusqu’aux études annuelles actuelles, comportant des rétrospectives fort intéressantes (ainsi sur la période 1997-2011 au SN 2013). Les Actes des synodes nationaux et ces études fournissent de nombreuses indications très précises sur la politique financière, l’évolution des moyens disponibles et leur utilisation, indications qui à la fois permettent de comprendre certains choix et de replacer dans la durée l’examen de certaines questions (par exemple la situation financière et matérielle des ministres de l’Eglise).
Ces quelques regrets n’entachent en rien le sous-titre de l’ouvrage – « Une présence au monde » – qui apporte une première pierre fort claire à l’histoire de cette Eglise et permettra d’engager de fructueux échanges.
Jean-Daniel Roque
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