Édith Tartar-Goddet : Quand la toute puissance humaine s’invite dans l’Église

Édith Tartar-Goddet, Quand la toute-puissance humaine s’invite dans l’Église, Olivétan, 2021, 228 p., 16 €

Édith Tartar-Goddet est connue pour sa grande expertise en psychologie sociale. Elle est psychologue clinicienne, psychanalyste, psychosociologue. Elle a été très engagée professionnellement et bénévolement dans de nombreuses structures et mouvements au service de l’enfant et de l’adolescent en souffrance. Elle a beaucoup travaillé la question de la violence et de sa prévention, la gestion des conflits, l’analyse des pratiques pour les personnels dans le cadre des établissements mais aussi la question de la loi, des limites. Frédéric Rognon, qui signe la préface de son ouvrage, souligne le fait qu’elle est engagée dans l’Église protestante unie de France et « qu’elle bénéficie d’une longue expérience de travail auprès des jeunes et des moins jeunes, de prévention de la violence, d’interventions et de mises en place de groupes de parole« . C’est à partir de cette très grande expérience professionnelle qu’Édith Tartar-Goddet nous livre cet ouvrage sur le thème de la toute puissance dans l’Église.

Il s’agit en fait d’un véritable guide pratique qui intéresse tous ceux qui, un jour, ont eu ou auront la responsabilité d’une animation, d’une prise de parole, d’une responsabilité, quelle qu’elle soit, dans le cadre de l’Église. Ce que nous dit Édith Tartar-Goddet c’est qu’il y a dans l’Église ou avec l’Église un terreau très favorable à l’expression de la toute-puissance humaine. C’est en effet très difficile d’intervenir dans l’Église pour mettre des limites à un prédicateur, à un pasteur, à un responsable de jeunesse, qui fonctionne dans la toute-puissance. On ne lui dit rien parce qu’on n’ose pas, parce qu’il y a un cadre évangélique qui fait que ce ne serait pas bien d’imposer des limites, parce que l’orgueil et la suffisance savent se cacher derrière les belles paroles, etc.

Plusieurs éléments donnent à cet ouvrage une très belle qualité. D’abord, on a le sentiment d’une analyse construite sur du concret, sur une matière vécue. Derrière chacune des analyses il y a en effet du vécu, du concret, des cas repérés et connus. C’est du clinique ! Ça parle. Ça vient rencontrer des scènes connues. On est dans la réminiscence. Le côté « Guide pratique » est ensuite très bienvenu. Édith Tartar-Goddet suggère des pistes. Elle offre des éléments de réponse sur un plan biblique, théologique, liturgique, face à la toute-puissance. Elle propose des fiches, par exemple, pour mettre en place une journée intergénérationnelle sur la toute-puissance. Et puis, une des très grandes richesses de ce livre c’est la lecture biblique et théologique qu’il offre de la toute-puissance. Avec Édith Tartar-Goddet, on interroge et on revisite les représentations que nous nous faisons de la toute-puissance de Dieu : « Dieu écoute l’humain qui se plaint ou qui l’interroge alors que la personne en toute puissance n’entend rien d’autre qu’elle-même« .

C’est un livre à mettre dans toutes les mains de ceux qui s’engagent dans l’Église. C’est un livre-alerte. Il y a beaucoup d’humanité dans ces lignes. Aucun jugement. Il offre un cheminement possible, une ouverture sur des questions parfois difficiles à aborder. C’est par ailleurs un livre particulièrement actuel au moment où les paroles se libèrent et où des situations de domination, quelles qu’en soient les formes, sont dénoncées. Assurément, c’est un ouvrage qui peut aider !

Alain Rey