Invité à m’exprimer sur les Libres propos au sujet de l’assassinat de Samuel Paty paru dans le bulletin de notre Amicale, je voudrais d’abord remercier Alain Rey et le comité de rédaction de savoir accueillir des libres débats au lieu de privilégier les « consensus mous » comme le dit Michel Bertrand. C’est ce qu’on voit trop souvent dans notre Église aujourd’hui.
J’ai téléphoné longuement à Serge pour demander des nouvelles de sa santé terriblement éprouvée et pour le remercier de son Libre Propos appuyé sur son expérience d’enseignant et sur des exemples parlant.
Et je rebondis en affirmant que trop de protestants, ceux qui écrivent en tout cas, ont une vision idéaliste de l’Islam qui ne correspond pas à la réalité. Islam veut dire soumission. Tant que ce mot reste sans interprétation au regard de notre conviction sur ce qu’est l’être humain dans la liberté que Dieu lui a donnée, nous ne pouvons que rester en profond désaccord. Je ne suis pas fana des caricatures de Charlie Hebdo, elles peuvent être comprises comme des humiliations ou des provocations plus qu’inutiles des musulmans. Et c’est cela que retiennent les amis protestants au travers des courriers de l’Amicale et de Réforme. Mais les caricatures montrent qu’il y a chez Charlie du courage que souvent nous n’avons plus pour affirmer ce que nous croyons. Et en même temps elles montrent, par un exemple extrême certes, ce qu’est l’Islam fondamentalement : l’intransigeance dans le domaine de la foi et de la façon de vivre.
Exemples : l’interdiction à un musulman de se convertir au christianisme, les jeunes filles musulmanes de se marier en dehors de l’accord de leurs parents ou de celui du grand frère (mariages forcés), de porter le voile ou pas, libres de toute pression familiale ou de l’environnent immédiat. Des faits qui perdurent : la profonde inégalité entre l’homme et la femme, les églises protestantes étouffées en Algérie, l’antijudaïsme etc.L’interview croisé cette semaine d’Emmanuel Macron avec le général Al Sissi, président de la République arabe d’Egypte où le Président Macron a dû rappeler que les lois de la République en France sont au-dessus des lois de la charia. Ce n’est pas parce que le christianisme a eu pendant longtemps et encore maintenant ses « Sorcières de Salem » que nous devons nous taire. Nous ne pouvons qu’être en profond désaccord avec l’Islam dont le Dieu ne ressemble pas à celui que nous connaissons pourtant si mal, dont la Bible nous parle et que parfois nous croyons si bien connaître… C’est ce que disent les juifs en ne prononçant pas le nom de Dieu, mais en disant « aschem ». Être en désaccord profond ne veut pas dire qu’on ne les aime pas, mais qu’on les regarde tels qu’ils apparaissent et qu’on est différent fondamentalement. Les imams vont s’inspirer plus facilement des propos d’Al Sissi, du président Turc que de ceux de l’imam de la grande mosquée de Bordeaux.
Les réformateurs ont été parfois très rudes entre eux parce qu’ils avaient des convictions et leur violence nous étonne. Et pourtant quand on croit qu’une idée est essentielle, il faut savoir la défendre avec passion. Ce qui n’existe presque plus aujourd’hui chez les protestants. J’ai dit à Serge, si je dis ce que je pense sur l’Islam, je vais tout de suite recevoir une volée de bois vert. Je suis prêt à la recevoir. Jacques Ellul a brûlé un manuscrit qu’il avait écrit sur l’Islam probablement pour ne pas engendrer des incompréhensions et des faux débats. Quel dommage pour nous ! On ne discute pas avec un ami avec lequel on n’est pas d’accord en renonçant à ses convictions. On essaie de s’expliquer et de se comprendre. Le respect de l’autre peut devenir un slogan cachant en réalité une profonde non écoute de l’autre.
Merci Serge d’avoir cité ta grand-mère et d’avoir ajouté : « on peut donner à Dieu la première place tout en respectant les lois de la République ». Je complèterai en disant à condition que le mot « République » ne se dévoie pas et que sous le terme de République ne se cache pas une terrible dictature.
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