C’est un texte fondamental dans la biographie de Pierre, très riche d’enseignements tous plus précieux les uns que les autres. De ce passage, j’extrais trois perles que, faute de temps, je ne peux qu’énoncer.
Première perle. Pierre n’aurait pas pu jouer, avec Jacques et Jean, le rôle de chef de la première Église chrétienne, celle de Jérusalem (Actes 2-4), s’il n’y avait pas eu, entre Jésus et lui, un acte public de pardon et de réconciliation. Le triple reniement de Jésus par Pierre était un péché trop grave pour que Pierre reprenne sa place comme si de rien n’était. Cela signifie que ce n’est seulement qu’en tant que pécheurs pardonnés que nous pouvons être ministres et témoins du Christ : Le pardon des péchés, que nous demandons chaque jour à Dieu en priant le Notre Père, est le fondement de tout ministère. Les ministres, plus que quiconque dans l’Église, ont besoin d’être pardonnés.
Deuxième perle. Le temps, on le sait, est un grand médecin : de nombreuses plaies, petites et grandes, sont apaisées et même cicatrisées avec le temps. Mais il y a des blessures si profondes qu’aucun passage du temps ne peut nous les faire oublier et encore moins les effacer. Le triple reniement de Jésus par Pierre est une de ces blessures, qui ne peut être effacée que si le péché est reconnu et confessé par celui qui l’a commis, et ensuite pardonné par la victime qui l’a subi. Le pardon doit être prononcé, tu dois me dire que tu me pardonnes, je dois entendre cette Parole, seule elle peut libérer ma conscience et me donner la paix. Nous devons être pardonnés et pour être pardonnés nous avons besoin de la Parole de pardon. C’est ce qui se passe ici, implicitement, pour Pierre ; il est pardonné et réhabilité par Jésus dans son ministère.
Troisième perle. Ce passage préfigure, en termes assez clairs, un service pastoral de Pierre adressé à toute l’Église : « Pais mes brebis » (v. 17). Ce service pastoral a été interprété et matérialisé dans l’Église catholique romaine par l’institution de la papauté, que ni les Églises orthodoxes, ni la Communion anglicane, ni les Églises protestantes, ni l’Église vieille-catholique ne reconnaissent. Cependant, l’Église catholique a eu le mérite d’avoir maintenu vivante l’idée d’une pastorale pétrinienne (si l’on veut l’appeler ainsi) étendue à l’ensemble de la chrétienté. La papauté telle qu’elle est aujourd’hui, avec son propre appareil dogmatique et son rôle politique, n’est pas acceptée par les chrétiens autres que les catholiques romains. La question qui se pose est la suivante : une papauté œcuménique est-elle concevable et réalisable ? Et si elle était concevable et faisable, comment pourrait-elle être envisagée concrètement ?
La papauté s’est toujours comprise comme une structure au service de l’unité de l’Église. Jusqu’à présent – surtout au cours des derniers siècles – elle a été de facto exclusivement au service de l’unité catholique. Une papauté au service de l’unité des chrétiens est-elle possible ? Si oui, comment devrait-il changer ? Jean-Paul II, dans son encyclique intitulée « Ut unum sint », du 25 mai 1995, parlait de la « conversion de Pierre et de ses successeurs », en précisant que cette conversion – parole évangélique radicale car elle implique un changement total, une sorte de mort et de résurrection – « est indispensable à “Pierre” pour pouvoir servir ses frères » ; il demandait à tous les fidèles catholiques et à « tous les chrétiens » de prier pour cette conversion déclarée « indispensable » (Ut unum sint, n. 4). Je me demande : cette « conversion essentielle » ne pourrait-elle pas être celle d’une papauté ou d’un « service pétrinien » jusqu’alors uniquement catholique vers un « service pétrinien » ou une papauté œcuménique ?
Paolo Ricca
24 novembre 2022
Basilique Saint-Pierre de Rome
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