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Olivier Roux : la guérison du lépreux

Matthieu Jean Luc Marc
8,1-4 

Guérison du lépreux               

  5,12-16 

Guérison du lépreux

1,40-45

Guérison du lépreux         

8,5-13   Guérison pour le centurion      
8,14-17        Guérisons multiples      
8,19-22        Paroles de mission      
8,18.23-27  La tempête apaisée      
8,28-34      Le démoniaque exorcisé      
9,1-8  

Guérison du paralytique   

  5,17-26 

Guérison du paralytique

2,1-12  

Guérison du paralytique  

La synopse montre que les deux guérisons du lépreux et du paralytique se suivent dans la tradition synoptique rapportée dans Matthieu, Luc et Marc et on peut envisager une relation entre elles.

Marc nous dit « 1,40 Un lépreux s’approche de lui … 41 Pris de pitié, Jésus étendit la main et le toucha ». Il le guérit. Le texte continue « 43 s’irritant contre lui, Jésus le renvoya aussitôt. … va te montrer au prêtre … ». Matthieu et Luc rapportent la guérison mais ne mentionnent pas que Jésus est pris de pitié ni qu’il s’irrite au moment de se séparer du lépreux. Marc a au moins un message à communiquer qui n’est plus la préoccupation de Matthieu et de Luc.

Que Jésus soit pris de compassion, qu’il ait mal à ses entrailles comme dit le texte, nous paraît normal ; la vue d’un lépreux ne peut qu’éveiller la compassion de ce bon maître. Notre prédication se déroulera sans encombre. Mais voilà nos Églises se vident. On vient chercher un Jésus humain et on nous présente un magicien.

Christian Amphoux aime souvent rappeler ce propos de Jean-Jacques Rousseau : « Ôtez de la bible les miracles et toute la terre est au pied de Jésus ». Je voudrais le paraphraser en disant « faisons une lecture métaphorique des miracles de la bible et toute la terre est au pied de Jésus ».

Amphoux rappelle que le texte de l’ancien testament et des évangiles est normalement écrit dans un style qu’il appelle judéo-hellénistique où tout est allusif, métaphorique. Quand le christianisme se recentrera autour de Rome il en viendra, dès le milieu du IIème siècle à être lu comme un texte de style « gréco-romain » où un kilo pèse un kilo et un chat est un chat.

Un exemple de cette manière de s’exprimer : au XIII° siècle, Thomas d’Aquin connaît encore ce mode d’expression et n’est pas d ’accord avec son maître Grégoire le Grand sur un point. Celui-ci pense que la colombe, au baptême de Jésus, remplit une fonction spirituelle, mais qu’elle apparaît aussi physiquement. Son élève lui répond que la présence de la colombe est seulement métaphorique ce qui ne diminue en rien sa fonction essentielle dans le récit du baptême. Amphoux montrera que colombe se dit en hébreu « iona » et propose une anagramme avec Onias et la lignée des oniades. Jésus est présenté ainsi comme renouant avec les derniers grands prêtres légitimes en Israël.

Mais revenons au lépreux de Marc. Le Codex de Bèze dit « … 41 Pris de colère, Jésus étendit la main». Voilà que notre prédication va devoir être revue.

Pour résumer on pourrait dresser une typologie des guérisons que Jésus opère. En voici quelques-unes : le lépreux est la figure du prêtre ou du grand-prêtre, empêché d’accomplir sa mission ; le paralytique celle du peuple, tenu dans l’ignorance par les grands et auquel Jésus va redonner sa dignité ; le sourd celle de Pierre et du groupe des disciples qui deviendront apôtres.  Jésus est obligé de leur dire « ne comprenez-vous pas encore ? » ; enfin l’aveugle est la figure de Paul qui, enfermé dans sa culture pharisienne, ne comprend rien et soudain dans une vision a une compréhension globale de la question Jésus qui lui permet de développer sa christologie.

Ce n’est pas à nous de donner le sens de ces métaphores, il nous est donné par la tradition biblique.

C’est en étudiant le Pentateuque qu’Amphoux constate, avec tout le monde, ici, que la marche d’Assur à la terre promise s’arrête avec le Lévitique puis reprend après. La découverte d’Amphoux est que nous ne sommes pas en présence de cinq livres qui se suivent comme les chapitres d’un roman : on a deux livres avant et deux livres après le Lévitique. Ce n’est pas une suite de livres mais une structure : le Lévitique est au centre de ces quatre livres. En poursuivant sa recherche il voit qu’au centre du Lévitique est traitée la question de tout ce qui touche à la prêtise, à la fonction du prêtre, et au centre de ces chapitres, les chapitres 13 et 14 traitent de la lèpre. Il n’est pas question dans le Lévitique de prêtres qui ont la lèpre mais on voit que la question de la lèpre est centrale : deux chapitres sur 27, au centre du livre, au centre du Pentateuque.

Il propose alors que la lèpre soit comprise comme « la » maladie du prêtre, celle qui le péoccupe le plus, celle qui pourrait le toucher et l’empêcherait alors de remplir sa fonction d’intermédiaire entre Dieu et son peuple.

Dans l’hypothèse où nous acceptons que les guérisons de Jésus sont métaphoriques c’est cette image que le rédacteur de l’épisode à en tête ; on peut lire la rencontre de Jésus avec le lépreux ainsi : Jésus se fâche parce que cet égoïste de prêtre vient se faire guérir alors que sa fonction est de guérir le peuple, une manière imagée d’évoquer les disfonctionnements du Temple à l’époque de Jésus et l’illégitimité du Grand-Prêtre, nommé par le pouvoir politique. Mais Jésus « guérit » le prêtre, une libération théologique, ecclésiologique.

 Le v. 43 « s’irritant contre lui, Jésus le renvoya aussitôt. … va te montrer au prêtre … », est devenu incompréhensible. Il est comme une trace de la colère au moment de l’accueil du lépreux. Reprendre cette lecture permettrait de mieux comprendre les relations de Jésus avec le Temple en laissant à la médecine le soin de s’occuper des maux du corps.

Olivier Roux
Pasteur retraité

About the author

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Alain Rey

Directeur de la publication Hier & Aujourd'hui
Pasteur de l'EPUdF
Études à Montpellier, Berkeley et Genève
Pasteur à Fleury-Mérogis, Mende, au Defap et à la Cevaa

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