Nouvelle Calédonie : les clés de l’apaisement
La Nouvelle Calédonie s’embrase, rappelant les pires moments des événements de 1984 et de 1988. Pourquoi cette flambée de colère ? J’y vois trois raisons.
Tout d’abord, le gouvernement a manqué à sa parole. Selon les accords de Nouméa en 1998, il devait être garant du dialogue, organiser le débat. Or en faisant voter une loi qui n’a pas recueilli l’assentiment de toutes les parties concernées, il a pris parti, il est sorti de son rôle d’arbitre.
Ensuite, le gouvernement a perdu la confiance des Kanak. En décembre 2021, la crise du covid rend impossible les cérémonies de deuil, si importantes dans la culture kanak. Les dirigeants indépendantistes demandent alors à l’Etat de repousser le troisième référendum d’autodétermination pour laisser le temps aux kanak de vivre le deuil et permettre une campagne électorale sérieuse. Le refus du gouvernement a été ressenti par les kanak comme du mépris pour leur culture, presque comme une humiliation, d’où le boycott de ce référendum par les partis kanak.
Enfin, le gouvernement a méconnu ce qui est au fondement de la culture kanak : la parole et la recherche d’un consensus. En 2010, le congrès de Nouvelle Calédonie (le parlement local, composé d’élus indépendantistes et loyalistes) adopte pour devise du pays «Terre de parole, terre de partage». Par sa volonté de passer en force, sans attendre que les parties se mettent d’accord, le gouvernement bafoue le sens même de cette devise. Il n’y avait pourtant aucune urgence à décider de la composition du corps électoral, les prochaines élections provinciales pouvant se tenir jusqu’à fin 2025.
En toile de fond de la situation, n’oublions pas qu’il y à peine plus d’un siècle, la colonisation faisait craindre la quasi disparition des Kanak. La perspective de se retrouver une fois de plus minoritaires en cas d’ouverture du corps électoral ravive cette crainte toujours très présente dans la mémoire kanak.
Organiser le débat, retrouver la confiance, respecter la culture kanak, laisser du temps à la parole, telle devrait être la position de nos dirigeants s’ils veulent sauvegarder la paix en Nouvelle Calédonie. Mais comment y parvenir alors que ni le chef de l’Etat ni le ministre de l’intérieur et des outre-mer ne sont reconnus comme des interlocuteurs impartiaux ? Peut-être en envoyant sur place unemission de dialogue, à l’instar de celle qui, en 1988 après le drame de la grotte d’Ouvéa, a réussi à ramener les protagonistes à la table des négociations. Espérons que cette mémoire-là inspirera nos responsables.
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