Plus à l’ouest dans les montagnes, à Mashta el-Helou, la population est à majorité chrétienne, grecque orthodoxe pour la plupart. On retrouve une importante communauté protestante. Cette région est devenue terre d’accueil pour les chrétiens bombardés d’Alep, d’Homs, d’Idlib. Saoûssane, la soixantaine, enseignante de français retraitée, a fui Idlib après quatre ans de séquestration par les djihadistes, dans sa maison, sans électricité, sans eau, sans nourriture.« En partant, j’ai confié la clé de notre domicile à notre voisin musulman. Les relations entre nos communautés étaient bonnes avant la guerre. On faisait des fêtes ensemble, on se rendait visite. Aujourd’hui, notre temple est devenu le centre de la charia. Seuls trois paroissiens âgés, en incapacité de se déplacer, sont restés sur place. » L’espoir d’un retour ?« La blessure est de plus en plus profonde, avoue-t-elle. Nous sommes fatigués d’être des étrangers dans notre propre pays, à la merci de puissances étrangères qui ont fini par mettre la Syrie à terre. Chaque famille a perdu au moins l’un de ses proches dans une guerre sauvage. Les jeunes sont partis. Nos deux fils trentenaires vivent en Suède. Mon rêve : les revoir ne serait-ce qu’une fois, après neuf ans de séparation… »
Le synode presbytérien de Syrie a loué une maison, entourée d’un vaste jardin, comme lieu de culte et de rencontre pour toutes ces familles et ces personnes dispersées qui ont posé leurs valises à Mashta el-Helou. Près d’une centaine de maisons de ce type existent à travers le pays, aujourd’hui.
Croisé de manière fortuite dans les rues de la ville, Anouar m’invite à prendre un café dans sa maison. Cet avocat d’une cinquantaine d’années est alaouite : « Je ne fréquente pas la mosquée. J’ai une relation directe avec Dieu par la prière quotidienne. Les alaouites ne sont pas des conservateurs, ils sont proches de la laïcité. Les mosquées ne sont pas toutes uniquement des lieux de prière. Ici et là, on y apprend le terrorisme. Notre problème encore et toujours : la guerre qui s’éternise et fait que la situation économique reste difficile pour tous. Aujourd’hui, nous n’avons pas d’eau. »
Il me parle alors de la France : « Nous aimons l’histoire et la culture de votre pays. Nous étudions la Révolution française, Napoléon, de Gaulle. Mais nous n’aimons pas la politique de vos présidents. » Avant d’ajouter : « La France n’est qu’une part des États-Unis face au drame syrien qui a largement débordé nos frontières. »
Albert Huber
Leave a Comment