Jean Volff est un magistrat honoraire, ancien avocat général de la Cour de Cassation. Il a occupé pendant onze années la fonction de vice-président du Directoire supérieur de l’Église de la Confession d’Augsbourg d’Alsace et de Lorraine. Il fait œuvre d’historien avec l’édition de cet ouvrage sur L’Église protestante mixte d’Algérie (1830-1908).
C’est un travail qui est remarquablement documenté. On y apprend une foule de choses sur l’histoire des chrétiens protestants en Algérie. On y apprend notamment que dès 1930, la Société des Missions Évangéliques de Paris (SMEP) envisage d’ouvrir un champ de mission en Algérie. Deux jeunes élèves missionnaires se mettent à l’étude de l’arabe et de l’islam. Le projet est interrompu suite à une opposition du gouvernement en 1832. Mais, là où la mission a échoué, l’Église va naître. C’est ainsi qu’en 1839, un consistoire officiel de l’Église réformée est créé à Alger. Il rassemble les protestants arrivés en Algérie avec le corps expéditionnaire et la fonction publique. À Alger, le premier culte est présidé le jour de Noël 1935 par le pasteur Napoléon Roussel. Pour accueillir l’événement, 120 personnes se trouvent rassemblées dans la cour de la maison de Monsieur Rilliet, un des dirigeants informels de l’Église naissante. Il y a parmi ces protestants présents à Alger de nombreux suisses, allemands, scandinaves, alsaciens, si bien que rapidement l’Église réformée deviendra une Église réformée et luthérienne. En 1845, une autorisation est accordée pour construire un temple à Alger, rue de Chartres. L’Église d’Algérie se développe et s’étend rapidement sur les trois départements créés en 1848 par l’administration française : Alger, Oran et Constantine. L’Église réformée d’Alger devient alors une Église d’Algérie réformée et luthérienne. On comptera jusqu’à 16 paroisses sur les trois départements d’Algérie.
L’histoire des protestants français en Algérie devait être en première intention missionnaire. Elle fut ecclésiale. Le projet de la SMEP avait pour cible l’évangélisation et la rencontre avec la culture locale. L’Église quant à elle s’installe avec le souci de rassembler le « troupeau ». Elle est un peu, dans son origine, comme une aumônerie des expatriés. Les intentions et les projets sont différents. Jean Volff montre cependant que le souci de la mission n’échappe pas à cette Église naissante. Dès 1852, le Consistoire protestant d’Alger crée un orphelinat à Dély-Ibrahim. C’est la toute première œuvre initiée par l’Église d’Algérie. Il est évident que c’est une œuvre qui a une portée à la fois sociale et missionnaire. D’autres œuvres suivront et seront créées à partir de l’engagement des pasteurs et des paroisses. En 1869, le pasteur Antoine Astier installe à Mostaganem un orphelinat où 150 enfants trouveront un refuge. Cette Église réformée d’Algérie restera cependant marquée dans son histoire et dans son identité comme étant l’Église des colons. Ce sont les missions, certaines françaises et d’autres étrangères, qui apporteront au protestantisme en Algérie la dimension de la mission et de l’évangélisation. En 1886, la Conférence méthodiste de Lausanne fonde la première mission protestante en Kabylie. La North Africa Mission (NAM), une mission britannique fondée par George et Jane Pearse, s’implante également en Kabylie. En 1896, Émile Rolland quitte son Doubs natal et fonde la mission Rolland en Kabylie. En 1908, l’Église méthodiste américaine engage une œuvre d’évangélisation en Algérie. De nombreux « fraternal workers » y seront envoyés.
On en vient à regretter, tant le travail est dense et fourni, que l’auteur ait limité son travail aux années 1830-1908. On aurait voulu lire la suite. Jean Volff nous dit qu’il n’a pas voulu traiter l’histoire des ruptures. L’année 1908 correspond à une première rupture suite à la Loi de 1905 sur la séparation des Églises et de l’État. L’Église protestante d’Algérie se retrouve alors éclatée en quatre unions d’Églises. Les relations entre réformés et luthériens se compliquent. Chacun cherche à tracer sa propre histoire. C’est l’unité de l’Église Réformée de France en 1938 qui permettra à nouveau à l’Église d’Algérie de retrouver son unité. Pour Jean Volff, Cette rupture de 1908 renvoie à une autre rupture, celle des années 60 entre la France et l’Algérie. Il s’estime lui-même trop impliqué dans l’histoire de ces ruptures pour pouvoir les traiter avec suffisamment d’objectivité. C’est la raison pour laquelle il arrête son travail à 1908. Dont acte et bravo pour le travail accompli jusqu’en 1908 !
Alain Rey
Jean Volff, L’Église protestante mixte d’Algérie, Olivétan, 2020, 350 p., 29 €
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