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Daniel Poujol : Mon Algérie

Témoignage d’un ancien soldat du contingent pendant la guerre d’Algérie.

Après 1958, pour mieux contrôler les combattants du FLN, l’armée française regroupe les habitants des villages des montagnes de Kabylie dans des camps de regroupements dont certains furent entourés de barbelés, équipés de miradors ou installés près d’un camp militaire, tandis que leurs habitants, privés de toutes leurs activités et de leurs biens, durent construire eux-mêmes leurs maisons avec des matériaux de récupération. Une partie des enfants furent scolarisés avec comme instituteurs 40 % de militaires et les autres fournis par l’académie.

C’est dans ce cadre, qu’en 1961, je suis affecté au régiment des transmissions de Tizi Ouzou, sur la base aérienne pompeusement baptisée Tizi-Orly, sur la commune du petit village de Talatoulmoust et que je suis nommé instituteur d’une de ces écoles. Je passerai là des mois d’une grande amitié avec ces enfants. Les quelques contacts avec les familles furent toujours très courtois dans un climat de relations ambigües de cette horrible fin de guerre. Pendant ces mois, je n’ignore pas le climat détestable, les morts, les drames ; je sais que ma situation ne représente pas la dure épreuve que vécurent des milliers de soldats engagés dans les combats en Algérie pendant ces 7 années, mais cette école était comme un signe d’espoir dans la tempête.

Vingt ans plus tard, en 1982 je suis retourné dans ce village avec mon épouse. Nous avons été accueillis comme de vieux amis avec enthousiasme. On nous a fait des cadeaux, on voulait nous garder quelques jours. Le courrier échangé avec ces familles retrouvées et qui a suivi ce voyage témoigne que de vrais liens d’amitié avaient été tissés pendant la sombre période de la guerre.

En 2018 j’ai lu le livre « sors la route t’attend », écrit par le rédacteur en chef de TV5-Monde, Slimane Zeghidour, ancien élève d’une de ces écoles créées dans les mêmes circonstances. Le témoignage de cet homme, né en 1953 dans un hameau des montagnes de Grande Kabylie et dont l’enfance se confond avec les atrocités de la guerre, son expérience, son cheminement jusqu’au journalisme donne un éclairage étonnant sur les racines des polémiques qui durent et déchirent encore aujourd’hui les relations de nos deux pays.

Bouleversé par ces pages, j’ai écrit à l’auteur. Dans notre correspondance émouvante il dit : « quel destin pour un soldat et quelle dette pour un écolier comme moi, envers une armée…Votre photo de classe me rappelle tant d’émotions…Ainsi va la vie, rien n’est jamais totalement sombre ni entièrement clair ».

Daniel Poujol

À propos de l'auteur

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Alain Rey

Directeur de la publication Hier & Aujourd'hui
Pasteur de l'EPUdF
Études à Montpellier, Berkeley et Genève
Pasteur à Fleury-Mérogis, Mende, au Defap et à la Cevaa

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