André Gounelle
DIEU ENCORE ET TOUJOURS
Van Dieren, 2019, 106 p., 15 €
« En ce qui concerne Dieu », écrit André Gounelle vers la fin de ce livre récent, « il me paraît chimérique, contradictoire voire blasphématoire de prétendre aboutir à une parole conclusive et définitive ». Bien que suivant plusieurs livres antérieurs sur Dieu et la foi, ce nouvel ouvrage est donc tout à fait justifié. On l’aborde par ailleurs avec plaisir et intérêt vu la clarté et la richesse des écrits du professeur de théologie systématique.
Il commence de façon surprenante par trois paraboles non bibliques que je laisse aux lecteurs le plaisir de découvrir et qui font bien saisir la tension entre ce que l’on voit et ce que l’on croit à propos de Dieu. Le second chapitre est aussi original, présentant le débat, ancien mais toujours actuel, entre Ferdinand Buisson et Charles Wagner, soit entre un idéalisme philosophique et la foi en Dieu. Ces deux visions peuvent être très proches, mais entre eux reste toujours une différence essentielle de conviction entre un idéal motivant et la foi en un Dieu vivant.
Viennent ensuite plusieurs données et réflexions sur le monothéisme, aujourd’hui souvent accusé d’entrainer, volontairement ou non, vers l’exclusivisme et même la violence. Mais il faut d’une part relativiser le monothéisme biblique et d’autre part reconnaître que l’intolérance ne découle pas de la foi en un Dieu unique, mais de la croyance en une seule révélation, manifestation ou alliance divine. On en vient ensuite tout naturellement à la Trinité, sujet qui, dit-il, embarrasse A. Gounelle. Après avoir rappelé que les doctrines trinitaires ne sont pas bibliques, et mis en avant le droit de réinterpréter les prises de position des premiers siècles, on peut y voir l’affirmation de l’unité dernière de Dieu et de la diversité de ses manifestations. « Du positif quand même », écrit notre auteur.
Avec un chapitre intitulé « Père éternel » nous apprécions la richesse mais aussi la limite de ces deux termes. Il faut en particulier insister sur le fait que l’éternité indique une béance impossible à combler, qui empêche la vie de s’immobiliser et de s’arrêter, y compris pour Dieu. C’est ce qu’indique ensuite une réflexion sur la providence et le malheur qui met en valeur l’autonomie du monde, à l’inverse de ce que pourrait faire penser l’idée d’une monarchie absolue de Dieu. Le monde est une entreprise en cours et la providence de Dieu est plus souterraine que souveraine comme l’écrivait Raphaël Picon.
Le dernier chapitre du livre est intitulé Dieu, confession de foi. Confession mais pas conclusion. Partant des images, y compris bibliques d’un dieu terrible A. Gounelle envisage un Dieu en qui se rassemblent et luttent toutes les forces d’amour mais aussi de justice violente, un Dieu en perpétuelle invention du monde, de la vie et de lui-même. Et qui surmonte sans cesse les négativités toujours présentes et offensives.
Cet ouvrage qui touche au cœur de la théologie, que peu d‘auteurs ont les moyens ou le courage d’aborder, est à lire et à relire !
Un compte rendu d’Olivier Pigeaud, pour LibreSens
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